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Québec : Lutte inégale pour sauver une forêt boréale

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Des trappeurs amérindiens mènent une lutte inégale contre les entreprises forestières pour défendre l’une des deux dernières forêts boréales intactes du pays (la forêt boréale est répertoriée comme taïga).

Après avoir serpenté au milieu d'hectares de coupes claires, la route forestière est entravée par un large panneau: "Le chemin de la destruction s'arrête ici". Au-delà, les trappeurs amérindiens luttent pour défendre l’une des deux dernières forêts boréales intactes du Québec.

Au Canada, une route forestière entravée par un large panneau implanté en 2010: "le chemin de la destruction s'arrête ici". Au delà les trappeurs amérindiens luttent pour défendre une des deux dernières forêts boréales intactes du Québec. Photo prise le 12 mars 2014 (c) Afp

Six kilomètres plus au nord coule la rivière Broadback, encore endormie sous des épaisseurs de glace et de neige en ce mois de mars où la température flirte avec les -40 degrés Celsius. Tout autour, à perte de vue, les forêts de conifères sont aussi anciennes qu'impénétrables.

 A la lisière de la taïga, la Vallée de Broadback constitue plus que le refuge de nombre d’animaux nordiques en voie d'extinction tel que le caribou forestier. C'est l’ultime territoire de chasse ancestral inviolé de la nation Crie, dernier confetti d'un empire de lacs, forêts et rivières, au sud-est de la Baie d'Hudson (800 km au Nord de Montréal), où ce peuple autochtone de 16.000 âmes régnait en maître jusqu’aux années 1970. (Caribou des bois, photo Dean Biggins (US Fish and Wildlife Service) (domaine public))

Pour les chasseurs Cris qui ont décidé de stopper l’avancée des coupes forestières en 2010, il y avait urgence tant la déforestation se rapprochait de la Broadback. Malgré les engagements de l’industrie de replanter, aucune solution autre que l’imposition d’un parc naturel de 13.000 km2 minimum (près de la moitié de la Belgique) ne saurait satisfaire ces Amérindiens, et en particulier la douzaine de Tallyman (maîtres trappeurs) à l’origine de cette mobilisation.

A un jet de pierre de la forêt qu'ils veulent protéger, Don Saganash contemple avec lassitude un désert blanc qui s’étend à 360 degrés alentours. "On ne peut plus chasser ici, les animaux n'ont aucun refuge".

Debout à côté de sa motoneige, il explique que la chasse est "totalement différente" depuis le passage des bûcherons. Si quelques têtes d'arbustes replantés ont bien surgi du sol, "ce ne sont pas les mêmes espèces", observe Don. "Même les lapins n'aiment pas les nouveaux arbres".

 "On ne peut même plus trapper (piéger) de martre!", abonde Malcom Saganash, Tallyman comme son cousin Don. Le petit animal dont la fourrure se vend à bon prix est resté introuvable cet hiver. "Je n'en ai chassé aucun. Avant, je pouvais en prendre une centaine par saison". (Martre d'Amérique photographiée dans le Parc national de Yellowstone. Photo Tim Gage Flickr / cc-bysa2.0)

Depuis des générations, chaque Tallyman a la charge de surveiller un périmètre de la forêt, d’y recenser la faune et d’inspecter les "lignes de trappes", ces sentiers ancestraux où sont posés les pièges. Plus qu'un loisir, la chasse est au cœur de l'identité de cette ethnie sédentarisée de force il y a une quarantaine d'années.

A l'époque, les "Blancs" sont arrivés du Sud pour ériger de gigantesques barrages hydroélectriques pour les besoins en électricité du Québec. Les Cris ont pu négocier des accords leur octroyant une certaine indépendance politique et de généreuses subventions.

La gestion des droits de chasse est devenue une prérogative amérindienne. Celle du sol et du sous-sol -à quelques rares exceptions- est demeurée dans le giron québécois. Forts de cela, les bûcherons "remontent toujours plus au nord", déplore Don.

Dans le camp de cabanes en bois sommaires partagés avec un troisième cousin trappeur, Philippe Saganash, les trois Tallyman voient passer de temps à autre des représentants de l'industrie forestière.

Ils viennent les avertir de prochaines coupes claires sur leur terres et, selon les Cris, leur offrir de l'argent ou des motoneiges. "J'ai dit non, mais ils vont quand même de l'avant", raconte Malcolm. "Il y a trois compagnies forestières sur mon terrain de chasse, mais elles ne me demandent jamais rien. Elles se moquent de ce qu'on pense", ajoute Philippe.

Unilatéralement, les trappeurs ont imposé en 2010 un moratoire sur leur forêt ancestrale. L'industrie forestière s'est engagée à ne pas couper dans la zone pendant trois ans. L'échéance est dépassée depuis juin dernier, et aucun accord n'a encore été conclu entre le Grand conseil cri et le gouvernement québécois. Et l'industrie forestière et les Tallyman s'impatientent.

"Au moins, ils n'ont toujours pas émis de permis d'exploitation", observe Steven Blacksmith, directeur des Ressources naturelles de la réserve crie de Waswanipi où est née la mobilisation.

Hivers moins longs qu'auparavant, disparition des caribous forestiers sous l'effet des coupes claires et prolifération des loups qui remontent du Sud grâce aux nouvelles routes forestières, cette nation autochtone craint d'assister au crépuscule de son mode de vie traditionnel.

Rassemblés autour de poêles à bois où mijote de la viande d'orignal, les aînés sont unanimes: l'eau, la viande et le poisson n'ont plus le même goût depuis l'arrivée des bûcherons. "Triste", Alice Happyjack le répète, "la nourriture n'a plus la même énergie qu'avant".

Les yeux fatigués, s'exprimant lentement en cri, Joseph Neeposh, qui a vécu toute sa vie en forêt, avertit qu'"il existe une connexion spirituelle entre les Amérindiens et la terre. Détruire la forêt, c'est aussi détruire cette connexion".

Végétation :
Les arbres les plus répandus dans la taïga sont des conifères adaptés au froid, comme les mélèzes, les épicéas, les pins et les sapins. Leur forme conique fait glisser la neige ; leurs aiguilles couvertes d'un enduit cireux les protègent du gel ; leur couleur vert foncé absorbe les faibles rayonnements du soleil et favorise la photosynthèse.
On trouve également des feuillus, notamment les bouleaux, les saules, les peupliers et les sorbiers. On les trouve notamment en bordure de cours d'eau et dans les chablisperturbations qui constituent l'un des stades du cycle sylvogénétique de la taïga, qui entretient la microtopographie de la taïga (l'épinette régénèrent mieux sur les bosses laissées par les chablis (ou sur du bois-mort) que sur des surfaces non perturbées).



Faune :
C'est la zone la plus au Nord dans laquelle les espèces qui ont besoin de quelques arbres peuvent survivre. Un nombre considérable d'oiseaux tels que la grive de Sibérie (ou grive obscure), le bruant à gorge blanche et la paruline à gorge noire migrent vers cet habitat pour tirer profit des longues journées d'été et de la nourriture abondante en insectes durant cette saison.
Quelques oiseaux carnivores et certains grands oiseaux omnivores qui peuvent y trouver des proies vivantes ou des carcasses qui sont également présentes dans cette zone pendant l'hiver. Parmi ceux-ci, le bec croisé, l'aigle doré et le busard.
Relativement peu de mammifères peuvent faire face aux durs hivers. Parmi ceux qui le peuvent, on trouve l'élan, le lynx, le tigre de Sibérie, la panthère de l'Amour, le loup, le castor, le lièvre des neiges, le lemming, le campagnol des rochers, le caribou, plusieurs espèces d'ursidés (dont l'ours brun) et plusieurs membres de la famille des mustélidés tels que le glouton (aussi appelé carcajou), la belette pymée et la martre des pins.

Sciences et avenir 1/4/2014 - WIKIPEDIA

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Waswanipi (Canada) (AFP) - Larme à l'œil, Mandy Gull descend de l'hélicoptère: "Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi triste... si mon grand-père savait...", souffle la chef-adjointe d'une réserve amérindienne du nord du Québec, dont le territoire traditionnel est sans cesse rongé par la déforestation.

Le survol de la forêt boréale marquée par les coupes claires des bûcherons a beau attrister la jeune femme, il renforce surtout sa détermination : "On ne possède pas cette terre, elle n'appartient qu'à elle-même. Nous devons nous battre au maximum pour la protéger".

 Mandy Gull, chef-adjointe d'une réserve amérindienne du nord du Québec, à Waswanipi, 1.000 km au nord de Montréal, le 19 août 2015 (c) Afp

Cela fait cinq ans que la bourgade qu'elle dirige, Waswanipi (1.000 km au nord de Montréal), lutte pour que soient sanctuarisés 13.000 km2 de forêt vierge entourant la vallée de la rivière Broadback. Une lutte d'autant plus déterminée que 90% des terres ancestrales de la petite communauté ont déjà été morcelées par le déboisement.

Située au seuil de la taïga, la Broadback se jette dans l'océan Arctique après 450 km au cœur de la forêt boréale.

Pour le peuple Cri, la protection unilatérale de ce territoire est cruciale, tant les rennes, les élans et le reste de la faune migrent toujours plus vers le nord, à mesure que remontent les bûcherons et que s'accélère le réchauffement climatique. Mais depuis que le gouvernement québécois a dévoilé mi-juillet un plan de conservation permettant, paradoxalement, aux groupes forestiers de mener des coupes de part et d'autre de la rivière Broadback, la population de Waswanipi est en quasi-état de siège.

Des représentants de l'industrie forestière ont déjà approché Don Saganash, un tallyman (maître trappeur) dont le territoire de chasse est au cœur du secteur officiellement autorisé au déboisement. "Ils sont venus me voir pour construire un pont ici, car c'est l'endroit le plus étroit de la rivière, mais la Broadback n'est pas à vendre", assène Don Saganash devant une cascade aux eaux limpides et riches en esturgeons, brochets et sandres.

Voir les camions chargés de troncs de conifères "est comme se faire poignarder", dit cet ambulancier à la retraite. "En tant que tallyman, mon vieux père disait : nous ne sommes pas autorisés à vendre la terre. Nous sommes des créations divines, Dieu nous a donné cette terre pour survivre avec elle". Depuis des générations, les tallymans ont la charge de surveiller la forêt boréale, d'y recenser la faune et d'inspecter les lignes de trappes, ces sentiers ancestraux où sont posés les pièges.

La forêt est l'identité même de ce peuple nordique et les nouveau-nés de Waswanipi sont toujours baptisés en marchant symboliquement sur des branches de conifères, avant de faire le tour d'un sapin posé devant un tipi.

Si la motoneige a remplacé le traîneau à chiens et le puissant hors-bord le canoë, les 16.000 Cris du Québec revendiquent un mode de vie toujours fidèle aux traditions de leurs ancêtres nomades, sédentarisés de force il y a une quarantaine d'années.

A l'époque, les "Blancs" sont arrivés du sud pour ériger de gigantesques barrages hydroélectriques destinés à approvisionner en électricité le Québec. En échange, les Cris ont négocié une relative indépendance politique et surtout de généreuses subventions.

La gestion des droits de chasse est devenue une prérogative amérindienne. Celle du sol et du sous-sol - à quelques rares exceptions près - est toutefois demeurée dans le giron de l'Etat québécois.

"Le gouvernement du Québec a le droit de venir ici et d'extraire les ressources, mais il ne s'agit pas simplement de ressources. C'est un mode de vie qui fait vivre non seulement les Cris et les Canadiens, mais le monde entier", estime Mandy Gull.

Pour mener la contre-attaque et sauver coûte que coûte leur forêt, les Cris ont fait appel à l'association écologiste Greenpeace avec qui, en ce jour d'août, ils ont déployé au sol une immense bannière "Save the Broadback !" (sauvez la Broadback !).

Qu'importe si Greenpeace fait l'objet d'une poursuite de 7 millions de dollars canadiens (4,7 millions d'euros) intentée par le géant de l'industrie forestière, Produits Forestiers Résolu, et qu'importe d'être à couteaux tirés avec le gouvernement libéral du Québec, l'ONG a convié pour l'occasion des journalistes étrangers, espérant ainsi faire pression sur les acheteurs internationaux de bois et papier canadiens.

Le géant allemand des médias Axel Springer vient d'arrêter de s'approvisionner auprès de Résolu "en raison de ses querelles avec les autochtones et les écologistes".

"Un territoire vierge comme ça, il n'y a pratiquement aucun Québécois qui en a vu de tel, c'est vraiment d'une grande rareté", observe Nicolas Mainville, biologiste chez Greenpeace. "Comment ne pas être radical face à une compagnie qui veut mettre un pont ici, traverser de l'autre côté et couper l'un des derniers secteurs vierges du Québec", lance l'environnementaliste.

Longtemps seul dans son combat, Don Saganash est désormais épaulé par les trappeurs des autres villages Cris, en plus d'avoir coalisé autour de lui plusieurs associations amérindiennes. Si d'aventure les bûcherons devaient se risquer sur ses terres de la Broadback, il jure de les défendre "jusqu'à (sa) mort".

Sciences et avenir 8/9/2015

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