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De Neandertal aux pinsons de Darwin : comment se forment les espèces ?

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Les espèces n’ont pas toujours besoin d’être séparées géographiquement pour se diversifier, montre une étude récente sur les oiseaux. Il existe d’autres barrières qui favorisent la spéciation. Décryptage.


 Coincé par des glaciers en Europe, Neandertal s’est peu déplacé et a reçu peu de visites pendant des millénaires. Il a développé les traits dérivés caractéristiques de son espèce. ©️ HORST OSSINGER / DPA / dpa Picture-Alliance

1. D’abord, qu’est-ce qu’une espèce ? Une espèce se caractérise par son incapacité à procréer avec tout autre être vivant n’appartenant pas à son "club" génétique. Elle est séparée de tous ses contemporains par des "barrières", dites d’isolement reproductif, dont l’effet est d’interdire ou d’abaisser jusqu’à un taux négligeable les échanges génétiques. "Si l’on admet cette définition biologique alors la spéciation [l’apparition d’une espèce] consiste en l’apparition d’au moins une nouvelle barrière d’isolement reproductif", explique Jean Génermont, théoricien moderne de l’évolution biologique*.

2. Quel rôle y joue la géographie ? La plus classique des barrières est la ceinture géographique de chasteté : un désert, une montagne ou un océan vient se dresser entre les membres d’une même espèce. Une fois séparées, les populations voient leurs échanges génétiques diminuer et de petites différences s’accumuler progressivement entre elles. L’exemple le plus classique est celui des pinsons de Charles Darwin, venus du continent : isolés dans différentes îles de l’archipel des Galapagos, ils ont donné naissance à treize espèces nouvelles.

 Exemple de quatre espèces de pinsons des Galapagos. Crédit image : Creative Commons.

Ce modèle, dit également de spéciation "allopatrique", explique bien la dérive génétique de l’homme de Neandertal : coincé par des glaciers en Europe plus de 100 000 ans avant notre ère, il s’est peu déplacé et a reçu peu de visites pendant des millénaires. Il a développé les traits dérivés caractéristiques de son espèce : un fort prognathisme, des bourrelets au-dessus des orbites, etc.

3. Quand parle-t-on de "chevauchements circulaires" et de "zones d’hybridations" ? Parfois, la spéciation peut ne pas être complète, des zones d’hybridation peuvent subsister. Ces zones de contact entre des espèces évolutivement proches, et où l’isolement reproductif n’est pas total, permettent des accouplements donnant naissance à des individus hybrides. Le cas le plus fantasmatique est celui de Neandertal. Des études génétiques menées depuis 2010 montre qu’il s’est hybridé avec Homo sapiens : les Européens et les Asiatiques contemporains partagent de 1 à 4 % de leur génome avec des néandertaliens ; ce qui n’est pas le cas des Africains. La zone d’hybridation principale pourrait avoir été le Proche-Orient.

Autre cas fascinant : celui du serpent jarretière américain.

 Thamnophis sirtalis, le "Serpent-jarretière", également connu sous le nom de couleuvre rayée. Crédit image : Brian Gratwicke / Creative Commons

Cette couleuvre aquatique rampe sur la côte sud-ouest des États-Unis et du Mexique. Certaines d’entre elles ont été isolées lors de périodes arides dans des zones où elles se sont progressivement différenciées. Résultat : les formes géographiquement proches peuvent toujours s’hybrider alors que les espèces éloignées ne le peuvent plus. Ce phénomène est appelé chevauchement circulaire, les espèces en bout de chaîne ne pouvant plus s’hybrider lors d’un contact car les barrières reproductives sont étanches. Deux futures espèces peuvent également occuper une même zone géographique, comme les saumons du lac Washington et les geais de l’île de Santa Cruz libres d’aller et venir entre la plage et la rivière.

Dès lors, ce sont d’autres barrières reproductives qui viennent jouer les chaperons. Toutes ne sont pas encore connues.

4. Quelles sont les barrières comportementales ? Parmi celles qui interdisent le coït, on distingue toutefois la barrière comportementale. Ainsi, les grillons mâles Nemobius fasciatus produisent des chants spécifiques, que seules les femelles de leur espèce captent. Les gènes impliqués dans les signaux de cour ont été localisés récemment sur le chromosome sexuel de l’insecte. l’hybridation avec une autre espèce reste possible… si on altère artificiellement leur comportement en laboratoire, par exemple. Le contrôle génétique des comportements sexuels fait l’objet de nombreuses études.

5. Quand parle-t-on d’isolement chronologique ? Autre isolement, celui créé par la barrière chronologique. Ainsi, la larve de la mouche Rhagoletis pomonella se régalait des fruits de l’aubépine, jusqu’à ce qu’une nouvelle variété de pomme — à la saveur sans doute particulièrement attrayante pour elle — soit introduite en Amérique du Nord, dans les années 1850. Une petite population d’asticots y goûta et s’y installa. Mais le pommier et l’aubépinier mûrissent avec quelques semaines de décalage. La température interne de la pomme a même accéléré le processus d’incubation de ses hôtes : les larves y naissent plus tôt dans la saison que leurs congénères de l’aubépinier. Une fois devenues mouches, leurs périodes de maturation sexuelle ne coïncident donc plus.

Mais les obstacles aux échanges génétiques qui ne sont pas inscrits dans le patrimoine génétique ne sont que des obstacles conjoncturels susceptibles d’être levés. Il existe encore d’autres mécanismes qui favorisent la diversification des espèces…

Ainsi, deux espèces ayant évolué séparément peuvent développer des organes reproducteurs incompatibles. Les croisements entre une mouche tsé-tsé et l’une de nos drosophiles ne peuvent plus aujourd’hui que blesser, sinon tuer, les participants à la copulation.

*Dictionnaire du darwinisme, PUF, 1996.

Sciences et avenir 24/2/2015

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