Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
birdy1972

Les 15 espèces qui ont le moins de chances de survie dans le monde

Messages recommandés

Le titre sonne comme un appel à cliquer sur un site habitué à déclencher le buzz, tel que BuzzFeed (pour ne citer que celui-là) : « Les 15 espèces animales qui ont le moins de chances de survivre. » C’est pourtant de la très sérieuse revue scientifique Current Biology qu’il s’agit.

Dans son numéro du 16 mars, elle publie le compte rendu d’une étude internationale, coordonnée par l’université du sud Danemark, qui classe les animaux menacés en fonction de leurs chances de survie. Avec, tout en bas de l’échelle, quinze espèces presque condamnées, parmi lesquelles une salamandre, plusieurs grenouilles, des rongeurs et des oiseaux marins.

  La grenouille naine de Santa Cruz (Physalaemus soaresi) est un petit amphibien connu seulement dans deux endroits dans le sud-est du Brésil.  Elle a la peau relativement lisse et un museau plutôt pointu. La couleur du corps de la grenouille naine Santa Cruz est brunâtre, avec une bande sombre sur les côtés. ©️ Ivan Sazima / Arkive


Il y a urgence, rappellent les scientifiques. Si de tout temps, la nature a vu des espèces disparaître tandis que de nouvelles apparaissaient, une histoire bien moins ordinaire semble avoir commencé au XXème siècle. « Le rythme de disparition est dix fois supérieur à la normale, assure la zoologue Dalia Amor Conde, première signataire de l’article. Si nous ne faisons rien, nous allons vers une sixième extinction massive. »

  Lyciandre de Beydaglari (Lyciasalamandra billae) femelle, est une espèce d'urodèles de la famille des Salamandridae. Cette espèce est endémique de Turquie. Elle se rencontre entre le niveau de la mer et 200 m d'altitude dans la province d'Antalya. Photo ©️ Miguel Vences / Arkive

Encore faut-il savoir ce que nous pouvons faire. Qui sauver et à quel prix ? L’équipe – constituée de chercheurs danois, anglais, américains et australiens – s’est appuyée sur la liste de 841 mammifères, reptiles, oiseaux et amphibiens les plus menacés, établie par l’ONG Alliance for Zero Extinction. Ce rassemblement d’organisations de protection animale a croisé l’ensemble des espèces inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) avec celles qui se trouvent concentrées sur un seul et unique territoire.

Bokermannohyla izecksohni (genre de rainette) est une espèce d'amphibiens de la famille des Hylidae. Cette espèce est endémique de l'État de São Paulo au Brésil. Elle se rencontre de 700 à 900m m d'altitude à Botucatu, Itanhaém et Cotia. Photo ©️ Ivan Sazima / Arkive

Les scientifiques ont alors construit un « indice de chance de conservation », censé mesurer la possibilité de réussir une opération de protection. Pour cela, plusieurs critères ont été pris en compte : un premier groupe de données attachées à la protection des habitats sauvages, rassemblant les dangers de fragmentation desdits territoires, les risques d’urbanisation, la stabilité politique de la région, les mesures de protection déjà prises ou encore le coût estimé des actions à entreprendre ; et un second groupe qui évalue les possibilités d’établir des colonies en captivité : coût, mais aussi capacités d’expertise existant dans les zoos.


 Pseudophilautus zorro  est une espèce d'amphibiens de la famille des Rhacophoridae. Cette espèce est endémique du centre du Sri Lanka. Elle se rencontre entre 500 et 800 m d'altitude dans la région de Kandy. ©️ 2006 Dr Peter Janzen / amphibiaweb

Les ordinateurs des scientifiques ont tourné et rendu leur verdict. Ils ont d’abord livré un chiffre global : pour sauver les 841 espèces, il faudrait mobiliser 1,3 milliard de dollars par an (1,2 milliard d’euros), pendant vingt ans. Beaucoup d’argent, diront les uns, surtout qu’il s’agit de pays pauvres. Pas grand-chose, à l’échelle mondiale, compte tenu de l’enjeu, diront les autres. « A lui seul, ce chiffre est intéressant, estime Florian Kirchner, chargé du programme espèces à l’UICN France. Ça peut sembler colossal, mais si on le compare par exemple aux budgets militaires, comme le font les auteurs de l’étude, ou à d’autres grands projets, c’est très relatif. Une espèce qui disparaît ne réapparaît jamais. »

  Allobates juanii  est une espèce d'amphibiens de la famille des Aromobatidae. Cette espèce est endémique de Villavicencio dans le département de Meta en Colombie. Elle se rencontre à 580 m d'altitude sur le versant amazonien de la cordillère de Orientale. Photo ©️ John D. Lynch / Arkive

« Nous considérons que la diversité est essentielle et nous aimerions tout préserver, précise Dalia Conde. Mais nous sommes aussi réalistes et nous ne pouvons pas rester les bras croisés et laisser tout perdre. »

Dessin représentant l'alouette d'Ash ((Mirafra ashi). C'est Comme toutes les alouettes elle appartient à la famille des Alaudidae. Elle est endémique de Somalie. (Dessin Birdlife)

Et l’étude, à cet égard, se révèle riche d’enseignements. Tout d’abord chez les fameuses quinze espèces les plus menacées : des amphibiens, rongeurs et oiseaux marins tout à la fois mal connus, isolés et soumis à toutes sortes de pressions. Y retrouver l’alouette de Ash ou le rat grimpeur du Chiapas n’étonnera personne : difficile, de fait, de conduire un plan de protection cohérent en Somalie ou dans une des régions les plus agitées du Mexique.

Monarque de Tahiti (Pomarea nigra), appartient à la famille des passereaux. Il est endémique à Tahiti en Polynésie française . Il reste  moins de 50 individus. Photo Fred Jacq / manu.pf

La présence de six amphibiens parmi les quinze espèces ne surprendra pas davantage les spécialistes. « Ils font face à une véritable crise, massive et accélérée, insiste Dalia Conde. Leur rythme de disparition est 45 fois supérieur à la normale. Un tiers des espèces sont menacées. Ces animaux ne sont pas charismatiques, n’intéressent pas le grand public, et ne permettent donc pas de lever des fonds pour les protéger, à l’inverse des grands mammifères. »

Pétrel de Madère (Pterodroma madeira) est une espèce d'oiseaux de mer de la famille des Procellariidae qui est endémique de l'île de Madère. Comme les autres pétrels, il se nourrit de petits calmars et de poissons. Photo Ruedi Aeschlimann / biofotoquiz.ch

La liste des quinze cache une autre particularité. Ventilée par pays, elle place, en tête du classement, à égalité avec le Brésil… la France. Une position que cette dernière doit à trois espèces d’oiseaux des îles : l’Albatros d’Amsterdam (archipel de Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam, terres australes françaises), le monarque de Tahiti et le pétrel de Bourbon (île de la Réunion), tous installés dans l’hémisphère sud.

Pétrel de Bourbon (Pseudobulweria aterrima), aussi appelé Pétrel noir de Bourbon, Pétrel de La Réunion ou Fouquet noir, est une espèce d'oiseau marin de la famille des Procellariidae, dont les populations actuelles sont endémiques de l'île de La Réunion, dans le sud-ouest de l'océan Indien. C'est l'une des quatre espèces de Procellariidae nicheuses de l'île de La Réunion et la plus rare. Photo FabKacau C BY-SA 3.0

« C’est une particularité française qui nous vaut d’être toujours dans le top 10 des pays qui comptent le plus d’espèces menacées, commente Florian Kirchner, de l’UICN. D’une part l’Hexagone abrite une faune très variée, donc potentiellement beaucoup d’espèces susceptibles d’être en danger. D’autre part, la France est présente dans les trois grands océans, avec de nombreuses îles, qui abritent des espèces à 100 % endémiques, que l’on ne trouve donc nulle part ailleurs et qui sont très affectées par les changements des zones littorales. »

  Le Nésospize de Wilkins (Nesospiza wilkinsi) est une espèce de passereau appartenant à la famille des Thraupidae. Sa distribution est limitée a Inaccessible Island et Nightingale Island, dans l'archipel Tristan da Cunha, Royaume-Uni (Atlantique Sud). ©️ Peter Ryan/ Arkive

Les trois espèces font néanmoins l’objet de plans d’action. Avec un peu plus de cinquante individus reproducteurs recensés, l’immense albatros d’Amsterdam reste en grand danger ; il y a quelques années, la population était tombée à quinze couples. De même, le monarque de Tahiti fait l’objet de mesures de protection. Quant à l’étrange pétrel de Bourbon, il fait lui aussi l’objet d’un programme de sauvetage. « Mais c’est très fragile, souligne Frédéric Julliard, chercheur en écologie de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle. On le connaît très mal. On n’arrive à le voir que la nuit, lorsque attiré par les projecteurs, il se pose sur les terrains de football. On sait qu’il niche en montagne et qu’il est la cible des chats et des rats, mais peu d’autre chose. Alors comment faire ? Eradiquer les rats et les chats de La Réunion ? »

Albatros d'Amsterdam (Diomedea amsterdamensis) avec son poussin. C'est l'un des plus grands albatros et qui a été découvert en 1982... L'Albatros d'Amsterdam est endémique de l'île d'Amsterdam dans l'océan Indien. Il niche à même le sol sur le plateau des tourbières. Il ne resterait que 15 couples à l'état sauvage dans les Terres australes et antarctiques françaises. Photo Vincent Legendre VV BY-SA 3.0

A l’autre extrémité du spectre, 39 % des animaux parmi les 841 espèces les plus menacées présentent une opportunité élevée de survie. « Ça nous donne l’espoir de pouvoir sauver un grand nombre d’espèces en danger, à condition d’agir immédiatement », souligne l’Anglais John Fa, de l’Imperial College de Londres, autre auteur de l’article. En effet, figurer dans cette catégorie signifie qu’il est plus facile d’agir, pas que le danger est moins grand.

 Geomys tropicalis est une espèce de Rongeurs de la famille des Géomyidés qui rassemble des gaufres ou rats à poche, c'est-à-dire à abajoues. C'est un petit mammifère qui est endémique du Mexique où il habite les déserts chauds. En danger critique d'extinction, il est menacé par la perte de son habitat. Photo endemismos mexico

Ainsi, la pipistrelle commune aurait pu figurer dans ce groupe en 2009, lorsque la sonnette d’alarme a été tirée par les zoologues australiens, assurent les chercheurs. Le gouvernement de l’île a tergiversé : le petit animal a été déclaré éteint en octobre 2012.

Alors que faire ? Faire porter l’effort sur le top 15 ou, au contraire, accepter que quelques espèces disparaissent mais agir pour sauver le plus grand nombre ? « C’est évidemment aux responsables politiques de choisir, estime Dalia Conde. Nous leur apportons un outil pour les éclairer. Un outil qui ne prend pas en compte les aspects culturels, l’attachement à certains animaux. Mais qui doit les obliger à faire ce qui est le plus urgent : décider. »

Voici la liste des 15 espèces les plus mal classées :

Amphibiens : la lyciandre de Beydaglari (une salamandre de Turquie), la bokermannohyla izecksohni, l’hypsiboas dulcimer et la physalaemus soaresi (trois grenouilles brésiliennes), la  (grenouille du Sri Lanka), l’allobates juanii (grenouille de Colombie).

Oiseaux : l’alouette de Ash (Somalie), le monarque de Tahiti, le pétrel de Madère, le pétrel de Bourbon (île de la Réunion), le nésospize de Wilkins (archipel Tristan da Cunha, Royaume-Uni, Atlantique Sud), l’albatros d’Amsterdam (île d’Amsterdam, terres australes, France).

Mammifères : lophuromys eisentrauti (rat du Cameroun), rat grimpeur du Chiapas (Mexique), geomys tropicalis (gaufre mexicain).


N.B : Pour les espèces citées dans la liste mais ne figurant pas en photo, elles sont introuvables sur le web (même sur des sites pourtant spécialisés) : probablement un problème de nom. Quant au rat du Cameroun, la seule photo que j'ai trouvée est un individu mort et naturalisé. J'ai souhaité ajouté le plus de photos possibles des espèces répertoriées comme ayant peu de chances de survie, au moins que pour un maximum de gens puissent les voir... et qui sait contribuer à leur sauvegarde. En conséquence, je remercie les sites auxquels j'ai emprunté quelques photos afin de faire connaître ces espèces peu "chanceuses" de continuer, selon les dires des scientifiques, à subsister sur notre planète...


Le Monde 18/3/2015

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...