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Reportage au "paradis" des éléphants d’Asie...

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Les derniers éléphants d’Asie sont moins de 50 000, répartis dans une douzaine de pays. Le Centre de préservation de Lampang (Thaïlande), vise à mieux les faire connaître du public et à garantir la survie de l’espèce.

Bien plus que leurs homologues d’Afrique, les 40 à 50 000 derniers éléphants d’Asie constituent une espèce menacée, et dont les territoires de vie ne cessent de se réduire

 Eléphant asiatique au zoo de Melbourne. Fir0002 GFDL 1.2
 EN = en danger



Il existe néanmoins un lieu, en Thaïlande, qui constitue un petit paradis pour certains d’entre eux : le Centre de préservation fondé en 1993 à Lampang, au nord du pays, non loin de Chiangmai, à l’initiative de la famille royale. On y bichonne une bonne centaine de ces pachydermes, là où les autres, partout alentour, sont trop souvent devenus inutiles et encombrants.

Sauvages ou domestiqués, ces types d’éléphants vivent dans une vaste région de l’Asie méridionale et, outre la Thaïlande, peuplent les forêts ou les plaines herbeuses de l’Inde et de la Birmanie surtout, mais sont également présents de la Chine à l’Indonésie et au Vietnam. Depuis un siècle, ils y ont vu leur nombre diminuer de plus des deux-tiers

Bien que largement réprimé, le trafic d’ivoire perdure, à destination notamment du Japon. La déforestation due à la pression démographique et à la surexploitation du bois, le braconnage, la capture pour les zoos sont également responsables de leur diminution. On ne compte déjà plus que 3000 de ces pachydermes en Thaïlande même.

Comme l’explique l’un des responsables du Centre de Lampang, le morcellement croissant de l’espace « rend de plus en plus difficile pour l’animal » de se trouver les larges étendues indispensables en matière de nourriture et de déplacement.

Et puis, lorsque certaines bêtes sont rendues à la vie sauvage, elles deviennent souvent incapables de se défendre. C’est qu’à l’état domestique, on ne les utilise presque plus pour le transport. Avec l’interdiction de la déforestation, les éléphants deviennent également inutiles pour le débardage du bois, qui a constitué longtemps leur principal emploi. Certains d’entre eux sont reconvertis vers des activités touristiques mais, en Thaïlande, il est désormais interdit de les faire circuler sur les routes et plus encore en ville, où ils étaient exhibés auparavant aux visiteurs.

 En rose, répartition du territoire au xxe siècle et en rouge répartition actuelle. ©️ Sémhur / Wikimedia Commons FAL

Bien des propriétaires, incapables de fournir chaque jour les 150 kg de feuilles, d’écorces et de tubercules nécessaires à ces animaux strictement herbivores, n’ont pas non plus les moyens de les approvisionner en bananes ou en cannes à sucre, dont ils sont si friands, et se résolvent ainsi à les abandonner.

Au Centre de Lampang, qui tient à la fois du conservatoire de l’espèce et de lieu de découverte, chaque visiteur peut aisément s’approcher des éléphants. D’emblée, chacun est invité à monter sur l’une des bêtes, posée en position couchée. Puis à la faire se redresser (gare à l’équilibre !) et, avec quelques ordres simples, à la diriger pour la promenade.

À la nurserie, située un peu plus loin, les éléphanteaux font immanquablement l’admiration des enfants. Chaque gestation dure 21 mois, « tous les trois ou quatre ans, à raison d’un seul petit par portée ». C’est ensuite la séance de bain collectif au cours de laquelle chaque « cornac » (conducteur professionnel), juché sur son animal, lui frotte le haut du dos qui émerge dans le lit de la rivière.

Quelqu’un souhaiterait-il entendre l’une de ces bêtes barrir (ou « baréter ») ?  « Il ne vaut mieux pas, explique le guide, l’éléphant ne crie qu’en cas de contrariété »La séance de débardage se révèle également instructive sur la manière par laquelle ces bêtes poussaient autrefois les troncs d’arbres avec leur nez, ou les tiraient avec des chaînes, ou bien les soulevaient en les coinçant entre leurs trompes et leurs défenses. Docilité touchante de ces pachydermes, pouvant peser jusqu’à cinq tonnes, et qui répondent à chaque sollicitation de leurs maîtres juchés sur eux…

 Un éléphanteau (et sa mère) né en octobre 2011 au centre de conservation des éléphants de Sayaboury au Laos. Comme on peut le remarquer sur cette photo, les éléphants d'Asie femelles n'ont pas de défenses... d'ailleurs certains mâles en sont aussi dépourvus. Fabien BASTIDE CC BY-SA 3.0

Édifiantes aussi les mille manières par lesquelles le cornac peut monter sur sa bête (tour à tour couchée, debout, penchée en avant), en s’accrochant au besoin à ses oreilles, ou en se servant de sa grosse jambe pliée comme d’un marchepied. Il en redescend aussi bien par le côté que par l’arrière, ou en lui glissant entre les deux yeux.

Le visiteur appréciera peut-être moins le côté « animal savant » de la démonstration, lorsque plusieurs éléphants doivent se disputer un ballon, souffler dans un instrument de musique ou s’emparer d’un pinceau (par la trompe) pour quelque barbouillage de peinture.

De tempérament moins indépendant que son cousin africain, l’éléphant d’Asie a été domestiqué voilà cinq mille ans, vers la vallée de l’Indus. Dans l’Antiquité, il était implanté du Fleuve jaune chinois jusqu’au Moyen-Orient, sur le Tigre et l’Euphrate.

Il fut alors utilisé comme auxiliaire de guerre, avec sa taille qui faisait impression sur l’ennemi – chaque animal pouvant transporter jusqu’à 300 kg sur son échine, tirer des engins de siège, ou encore charger à la vitesse de 40 km/h. N’utilisait-on pas l’éléphant dans les armées d’Hannibal et d’Alexandre le Grand ? Enclin à la panique, celui-ci pouvait néanmoins se révéler dangereux pour ses propres alliés…

On le fit se battre aussi aux jeux du cirque et la trompe de l’animal, véritable muscle, brisait d’un coup les reins d’un tigre. En rappelant ces hauts faits de guerre, le responsable du Centre affirme que la Thaïlande « n’aurait jamais existé sans l’éléphant » : lequel était même représenté, autrefois, sur le drapeau du royaume de Siam.

 Le bain des éléphants d’Asie, à Lampang. Le centre a plusieurs vocations, dont celle de conserver cette espèce, menacée d’extinction. TORRIONE Stefano / hemis.fr

Mais l’essentiel de la vocation du Centre de préservation de Lampang se situe ailleurs que dans les démonstrations au public, avec l’unité de prélèvement de sperme située au plus profond du parc forestier, et destinée à l’insémination artificielle : l’espèce a en effet souffert longtemps de consanguinité. Tout à côté, se trouve une petite unité de transformation des déjections et crottins en pâte à papier

Un peu plus loin, la « clinique » offre gratuitement ses services à tout particulier venant faire soigner sa bête : abcès fréquents, problèmes aux yeux (poussières, insectes). Les blessures peuvent se révéler bien plus graves, surtout aux pieds, lorsque les animaux en viennent à marcher sur des mines – notamment à la frontière birmane.

Un palan, doublé d’un portique, permet alors de leur poser une prothèse à la jambe. L’animal finit-il par mourir, de blessure ou de vieillesse (il peut vivre jusqu’à 70 ans) ? Le cimetière des éléphants, dont le nom n’a ici rien d’imagé, se situe tout à côté.

Lampang offre surtout un lieu de formation unique pour les cornacs, avec la perspective offerte à chaque animal de disposer ainsi du même maître pour des années. Le responsable du Centre ne manque d’ailleurs pas d’expliquer l’attachement singulier de l’un à l’autre. L’éléphant dispose d’une grande mémoire affective, « il reconnaît son conducteur à l’odeur ou à la voix, et il peut exécuter jusqu’à une trentaine d’ordres différents ».

Pour peu, notre guide témoignerait d’une certaine ressemblance entre l’homme et sa bête… « Si on veut que cela marche entre eux, il vaut mieux qu’ils aient le même tempérament. Croyez-le ou pas, le comportement de l’un finit souvent par déteindre sur l’autre. »

L’éléphant d’Asie est plus petit que celui d’Afrique et sa population est dix fois moins nombreuse. Les mâles mesurent 3 mètres de haut en moyenne et pèsent 4 tonnes ; les femelles 2,5 m et 2,75 tonnes.

L’éléphant asiatique dispose d’oreilles moins volumineuses que l’Africain, il a le dos plus rond et le haut de son crâne forme deux petites protubérances caractéristiques. Les deux lignées d’Asie et d’Afrique se sont séparées il y a cinq millions d’années, de sorte que la reproduction est impossible entre elles.

L’éléphant d’Asie est présent dans de nombreux pays, notamment en Inde, Sri Lanka, Népal, Bhoutan, Birmanie, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Cambodge, Laos. Dans le classement de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’éléphant d’Asie figure comme une espèce en danger et menacée de disparition.

On trouve des informations sur le site www.thailandelephant.org. Demande de renseignements pratiques à l’adresse info@thailandelephant.org. Le Centre de Lampang se visite tous les jours. On y dispense une initiation au métier de cornac. 


Pierre-Yves LE PRIOL (à Lampang, Thaïlande) La Croix 31/3/2015

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