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Etonnants Voyageurs: en Alaska, les peuples premiers face à la tentation du pétrole

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Saint-Malo - Concilier l'inconciliable, entre la préservation d'un mode de vie ancestral et les mirages d'une modernité promise par l'exploitation du pétrole: tel est le dilemme qu'affrontent des peuples premiers, comme les Inupiat, en Alaska.

 L'exploitation du pétrole depuis plusieurs décennies et son extension sont-elles une menace pour leur mode de vie ou une promesse de développement ? Telle est leur interrogation, résument Zoé Lamazou et Victor Gurrey, qui viennent de publier un passionnant travail journalistique illustré, Une saison de chasse en Alaska, aux éditions Paulsen. Un travail présenté dans le cadre du festival Etonnants voyageurs à Saint-Malo. (Image : couverture du livre "Une saison de chasse en Alaska" des auteurs cités. - 300 pages, 29 euros. Cliquez sur l'image pour vous rendre sur le site de l'éditeur et vous procurer le livre)

Trois mois en Alaska pour voir ces communautés qui n'ont rien demandé, auxquelles leur quotidien convenait parfaitement et que le capitalisme est venu bousculer. Un phénomène général au-delà du cercle polaire, quel que soit l'Etat - y compris en Russie - mais aussi une problématique mondiale, qu'il s'agisse de l'Amazonie ou de l'Afrique, pour la quête des minerais rares ou des terres arables.

Dans un premier temps, les deux enquêteurs - Zoé Lamazou à la plume et Victor Gurrey au pinceau - se sont rendus à Prudhoe Bay, tout au nord de l'Alaska, dans le coeur de la bête, au camp des pétroliers, une espèce de paquebot de luxe au milieu de la glace, pour observer un univers en vase clos, hors du monde, où la vie, malgré la distance, est identique à ce qu'on vit dans le reste des Etats-Unis.  L'Alaska, dont le budget provient à 90% du pétrole, fournit environ 17% de la production pétrolière des Etats-Unis mais dispose encore d'énormes réserves.

Deuxième étape: Zoé Lamazou et Victor Gurrey sont partis partager la vie des Inupiat, à Point Hope, 10.000 habitants répartis sur huit villages, non loin du détroit de Bering. Une terre habitée depuis plus de deux millénaires, mais deux mondes qui s'ignorent et une communauté méprisée par les habitants de Prudhoe Bay: chez eux, y a pas de route et ça pue, entend-on là-haut.

A Point Hope, chez les Inupiat, le pouvoir est désormais partagé entre plusieurs entités, ce qui entraîne une fragilisation des communautés autochtones autrefois très soudées.

Au printemps, c'est aussi la chasse à la baleine, très encadrée par la communauté. Observer cette chasse, c'est observer comment la culture est ancrée dans ces communautés mais aussi comment, dans le même temps, tous les verrous sont en train de sauter, constate Zoé Lamazou. Car les habitants sont écartelés, témoigne Victor Gurrey, entre une élite détentrice d'un petit pouvoir et le reste de la population.

Une communauté où certains touchent jusqu'à 15.000 dollars de rente par an du pétrole, mais où, faute de banque, l'argent s'envole en plaisirs immédiats ou en objets de consommation, superflus. Ce sont des riches pauvres, renchérit Zoé Lamazou. Il sont en train de perdre leur langue. Avec leur argent, ils ont construit des écoles mais les enseignants sont des Blancs venus se faire en Alaska une prime d'éloignement (...) Le village est riche mais il n'y a pas de médecin.

Des populations en danger d'acculturation, happées par l'alcool, la drogue, le jeu, où on croise des gamins obèses qui n'ont plus de dents à six ans à cause des boissons sucrées. Le dernier assaut de la colonisation, commente Victor Gurrey.

Au-delà des questions environnementales, aucune indulgence à attendre du système, même au plan économique. C'est la ségrégation à l'envers. Les compagnies pétrolières exigent +pas d'alcool, pas de drogue+ sur les chantiers. Donc, les Inupiat ne peuvent plus y travailler, sauf sur les quelques chantiers appartenant à leur communauté.

Les deux journalistes partagent le même constat: un territoire extrêmement traumatisé par la présence des compagnies pétrolières.



Romandie 26/5/2015

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