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La bile d'ours, un commerce toujours actif

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Si l'ours noir d'Asie est en voie d'extinction, c'est qu'il a dramatiquement souffert de la demande en acide biliaire. Entretien avec Michèle Jung, de l'ONG Animal Asia.

L'ONG Animal Asia était présente à la manifestation parisienne du 12 septembre 2015 organisée par l'Association Fuda et consacrée aux droits des animaux. Animal Asia a été fondée en 1998 par Jill Robinson avec le principal projet de sauver les ours en Asie. Elle a profité de la manifestation pour porter l'attention du public sur le commerce de la bile d'ours. Retrouvez l'entretien que la présidente de l'ONG, Michèle Jung, a accordé à Sciences et Avenir. 

 Un ours noir d'Asie (ou ours lune) capturé pour son acide biliaire. ©️ ANIMAL ASIA

Sciences et Avenir : Depuis quand le commerce de la bile d'ours existe-t-il ? Quelles sont censées être ses vertus ?

Michèle Jung : L'extraction de la bile d'ours est liée à la médecine traditionnelle chinoise. Depuis la convention de Washington en 1980, l'extraction est devenue illégale en Chine. Cependant, comme on a le droit de posséder un ours chez soi et que les fermes spécialisées sont également autorisées, on compte aujourd'hui plus de 10.000 ours touchés par cette pratique. On la rencontre également au Vietnam, au Japon et en Corée. 

La bile d'ours est utilisée en médecine traditionnelle chinoise pour stimuler la virilité et résorber les hémorroïdes. En France, on utilise un produit de synthèse de l'UCDA (voir encadré ci-dessous) pour lutter contre les maladies inflammatoires du foie et de la vésicule biliaire. La bile d'ours naturelle est dangereuse car, dans les conditions où elle est extraite, elle contient énormément de bactéries et le produit n'est pas du tout contrôlé. On a noté des cas de décès et de maladie chez des Chinois après ingestion de la bile d'ours. C'est une question de santé publique ! Les autorités chinoises ont récemment affirmé avoir trouvé la formule d'un produit de synthèse. Reste à voir s'ils mettront en application ce produit de substitution.

S & A : Comment la bile est-elle prélevée sur l'ours ?

M J : Il existe plusieurs formes de pratique mais si l'on prend la forme traditionnelle, elle consiste à mettre un corset métallique à l'ours (nommé aussi "Full Metal Jacket") qui maintient un cathéter, planté vif dans la vésicule biliaire. L'animal est pompé deux fois par jour dans une cage, où la grille compresse sa tête comme on compresserait un citron. Le corset le maintient jusqu'à ce que mort s'en suive

En Thaïlande, on a même des bars à ours ouverts aux touristes asiatiques où le client vient choisir l'ours qui va être pompé devant lui. Pour qu'un ours soit exploité, la réglementation exige que l'animal fasse au moins 100 kilos donc les oursons ne sont pas concernés. L'ours grandit dans la cage et on les nourrit très peu, parce qu'un organisme mal nourri produit beaucoup de bile

 L'ours Pastèque enfermé dans sa cage (©️Animal Asia)

Généralement, l'espérance de vie d'un ours dans ces conditions est d'un mois. Cela dépend de plusieurs facteurs. Si l'ours a été blessé pendant sa capture, il peut faire une infection et en mourir rapidement. Mais certains ours peuvent tenir plus longtemps, comme "Pastèque", resté 15 ans dans sa cage.

S & A : Y-a-t-il eu des contestations contre ce commerce ?

M J : Oui, depuis 25 ans, il existent des groupes de gens qui réagissent contre cela. Beaucoup de jeunes communiquent entre eux là-dessus via les réseaux sociaux. Afin d'échapper à la censure chinoise, ils choisissent de mettre l'information à la 5e ligne de leur texte - les 4 premières lignes d'un message posté sont lues par des robots qui ne vont pas au-delà. En 2012, le webbo (réseau chinois) s'est littéralement enflammé pour les ours : on a eu une réaction nationale extraordinaire où les jeunes appelaient à faire cesser l'exploitation de la bile d'ours. A la base, beaucoup pensaient qu'on trayait les ours comme on trait les vaches. Comme quoi la campagne menée contre ce commerce les a informés. Une autre forte réaction a eu lieu lorsqu'un pharmacien cherchait à entrer en bourse pour sa vente de bile d'ours, plusieurs pétitions ont tourné et il n'y est jamais entré.  

S & A : Que faites-vous pour lutter contre ces pratiques ? Notamment au Vietnam, où le commerce de la bile d'ours fait venir dans des fermes spécialisées des Sud-coréens. Avez-vous mis là-bas des actions en place ?

M J : On négocie pied à pied avec les autorités chinoises et on essaie de les convaincre qu'ils nuisent à l'espèce avec ce genre de méthode. En passant un accord avec le ministre chinois de la Vie sauvage, on a réussi à obtenir la sauvegarde de 500 ours par an. Les fermiers, sur la base du volontariat, se défont de leurs ours et on s'engage à les récupérer tandis qu'ils s'engagent à ne pas ouvrir d'autres fermes.


Au Vietnam, on a réussi à sauver 17 ours dans la baie d'Halong, près de la mer de Chine, qui est un lieu réputé pour les fermes spécialisées dans la bile d'ours. Notre association a aussi passé un accord avec certaines autorités locales pour qu'ils s'engagent à ne pas en prescrire : 1500 pharmacies ont arrêté d'en vendre

On a également créé deux centres pour recueillir les ours : un sanctuaire à Chengdu, ville réputée pour sa reproduction en pandas, et un sanctuaire à Tandao au nord du Vietnam. En tout, ont été recueilli 400 ours à Chengdu et 481 au Vietnam. Le but de ces centres est de faire de la pédagogie sur les ours avec les fermiers, en leur montrant l'inefficacité de ce marché et l'existence d'un produit de synthèse.


Envie de réagir ou d'aider la fondation Animal Asia : Cliquez ICI.

Sciences et avenir 11/9/2015

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