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En Ethiopie, le plus haut barrage d'Afrique suscite espoir et controverse

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Plusieurs dizaines d'ouvriers s'activent au fond d'une des gorges du fleuve Omo: le chantier du plus haut barrage d'Afrique est désormais réalisé à plus de la moitié, dans une des régions les plus reculées du sud de l'Ethiopie.

Une fois achevé, en 2014, le mur s'élèvera à 243 mètres. L'eau commencera à être retenue dès l'an prochain, sur une surface finale de 210 km2, pour atteindre une capacité hydroélectrique de 1.870 MW.

Engagé depuis 2006, le chantier de Gibe III est essentiel à l'ambition de l'Ethiopie -- 92 M d'habitants -- de devenir en 2025 un pays à revenu intermédiaire.

Mais le plus grand des cinq barrages déjà construits ou en projet sur l'Omo risque de bouleverser la vie de 500.000 personnes vivant en aval jusqu'au lac Turkana, au Kenya voisin, et de condamner ce lac qui tire 80% de ses ressources du fleuve, à en croire les écologistes kényans.

Selon ses promoteurs au contraire, le barrage permettra de réguler le cours de l'Omo, qui s'étend au total sur 700 km. "Jusqu'à présent la saison humide durait deux mois, au maximum trois, suivie de neuf mois de saison sèche. Désormais les populations en aval bénéficieront d'un débit régulier douze mois par an", fait valoir Mirhet Debebe, président de la compagnie nationale de production d'électricité EEPCo.

Les communautés Bodi, Mursi et Nyangatom -- connues pour leurs peintures corporelles et les plateaux labiaux élargissant les lèvres des femmes -- ont toujours privilégié une agriculture traditionnelle, utilisant le limon abandonné par les décrues du fleuve.

Des inondations artificielles seront pratiquées depuis le barrage "pour que ces pratiques ne soient pas interrompues", dans cette vallée du sud de l'Omo classée par l'Unesco au patrimoine mondial de l'Humanité, assure le directeur du chantier de Gibe III, Azeb Aznake.

Mme Azeb dément en revanche que le barrage servira à irriguer les énormes plantations de canne à sucre et de coton détenues à proximité du site par des capitaux étrangers, comme l'affirme l'association des "amis du Lac Turkana" au Kenya.

Cet élément est jugé crucial par les experts pour mesurer les conséquences effectives du barrage en aval.

"L'objet de ce barrage est de fournir de l'énergie hydro-électrique, et rien d'autre", assure Azeb Aznake. Site classé par l'Unesco

Sur place, l'infrastructure des futures turbines électriques a déjà été édifiée, ainsi que les unités de cimenterie, les canaux d'acheminement du ciment vers le futur barrage, et les tunnels qui permettront ultérieurement les libérations d'eau.

EEPCo finance l'essentiel du coût de ce projet équivalent à 1,5 milliard d'euros, aux côtés de la banque chinoise ICBC qui prend en charge les 319 millions EUR liés aux installations électriques.

Aucun des grands bailleurs de fonds traditionnels, Banque mondiale, Banque africaine de développement (BAD) ou Banque européenne d'investissement, n'est associé au projet.

L'Ethiopie a renoncé à ces financements pour se tourner vers un partenaire chinois, alors que les études sur les impacts sociaux et environnementaux du projet étaient encore en cours, avec la participation notamment d'organisations de défense de l'environnement hostiles au projet.

"C'est nous qui avons pris cette décision, parce que nous voulions aller vite", insiste M. Merhet, de la société éthiopienne d'électricité.

La directrice du chantier de Gibe III reconnaît pour sa part que les modes de vie locaux seront fatalement affectés. "L'eau est notre principale ressource, nous devons utiliser ce que nous avons pour pouvoir manger trois fois par jour comme tout être humain, il faut savoir faire des compromis", plaide Mme Azeb.

Une partie de l'électricité produite sera exportée à Djibouti, au Kenya, au Soudan et au Somaliland, apportant autant de devises.

Le chantier emploie aujourd'hui 4.500 personnes, dont 250 expatriés. Mengistu Mara, 26 ans, étudie dans un lycée construit en 2009 à Lala, à 30 km du barrage, par les promoteurs du projet. Son frère dirige une grue sur le site. "Si je peux étudier aujourd'hui, c'est parce que mon frère apporte l'argent", relève-t-il.

"On présente souvent les choses comme un choix inéluctable entre le développement et la protection des cultures locales, comme si on ne pouvait pas faire d'omelette sans casser des oeufs", relève pour sa part David Turton, du centre d'études africaines de l'Université d'Oxford (Grande-Bretagne). Ce chercheur interrogé par téléphone souligne ne pas être hostile au projet de barrage, "mais cela doit être fait dans le respect de la justice sociale".



Sciences et Avenir 07/06/2012

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Trois rapports indépendants établissent que le barrage controversé de Gibe III, ainsi que l'accaparement des terres pour les plantations, risquent de provoquer une "catastrophe" imminente dans la vallée inférieure de l'Omo en Ethopie. Un demi-million de riverains autochtones d'Ethiopie et du Kenya vont être affectés par ces projets dont Survival International demande la suspension immédiate.

Lake Turkana and the Lower Omo – Hydrological Impacts of Major Dam and Irrigation Projects (le lac Turkana et l'Omo inférieur – impacts hydrologiques du barrage et des projets d'irrigation) publié par le Centre d'études africaines de l'université d'Oxford prévoit que le projet Kuraz Sugar du gouvernement éthiopien provoquera une baisse de 22 mètres du niveau des eaux du lac Turkana, le plus grand lac du monde en milieu désertique. La majeure partie de la faune aquatique, vitale pour les Turkana et autres tribus riveraines, sera détruite.

Les Bodi, les Kwegu et les Mursi sont expulsés de force pour faire place au projet Kuraz et conduits dans des camps de réinstallation où ils sont sommés de vendre leurs troupeaux et de ne conserver que quelques têtes de bétail. On a annoncé aux Bodi qu'ils ne bénéficieraient de l'aide alimentaire que lorsqu'ils auront accepté d'être déplacés.

Le barrage de Gibe III fera obstacle aux crues naturelles de la rivière Omo dont les tribus dépendent ©️ Survival

Humanitarian Catastrophe and Regional Armed Conflict Brewing in the Transborder Region of Ethiopia, Kenya and South Sudan (catastrophe humanitaire et conflit armé régional imminents dans la région transfrontalière d'Ethiopie, du Kenya et du Soudan), publié par le Groupe de travail sur les ressources africaines, conclut que 200.000 autochtones d'Ethiopie et 300.000 du Kenya souffriront des impacts irréversibles du barrage et des plantations. Il indique que le barrage interrompra la crue naturelle de la rivière Omo, que son écoulement sera réduit de 60 à 70% et que les moyens de subsistance des tribus riveraines et des plaines seront anéantis. Il prédit un "conflit interethnique majeur".

The Downstream Impacts of Ethiopia's Gibe III Dam – East Africa's Aral Sea in the Making? (Les impacts en aval du barrage Gibe III en Ethiopie – une mer d'Aral en Afrique orientale?), publié par International Rivers annonce que [b]les changements de régime hydrologique dus au barrage et l'irrigation associée pour les plantations qui utiliseront des fertilisants, conduiront à tuer toute vie dans certaines zones de l'Omo.
Le rapport établit que "la destruction des moyens de subsistance dans l'Omo inférieur et la coercition nécessaire pour s'approprier les terres et les remplacer par des plantations agricoles affectera gravement la vie de 200 à 300.000 riverains autochtones". Il appelle à la cessation des financements du barrage.

L'agence britannique pour le développement international (DFID) et l'agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) sont les principaux bailleurs en Ethiopie. Toutes deux ont reçu de nombreux rapports sur les violations de droits de l'homme dans la vallée inférieure de l'Omo. Les représentants de DFID qui se sont rendus l'année dernière dans les villages mursi et bodi ont été informés sur les arrestations, les violences, la destruction des semences, les intimidations et les viols.

En janvier 2012, pressée par Survival International et d'autres organisations, DFID a envoyé des représentants dans l'Omo inférieur pour interroger les Mursi et les Bodi qui les informèrent sur les arrestations et les violences, la destruction délibérée des stocks de semences, l'interdiction d'accès à la rivière Omo et le déploiement de l'armée pour intimider les riverains et les forcer à quitter leurs terres. On leur signala également de nombreux cas de viols. Il a fallu neuf mois à DFID pour rendre le rapport de sa visite qui conclut qu'une enquête plus approfondie devrait permettre de "confirmer" les allégations. DFID n'a cependant rien encore entrepris. Au lieu de cela : DFID et USAID continuent de financer le programme éthiopien de "Protection de services basiques", sans lequel la relocalisation forcée de milliers riverains n'aurait probablement pas eu lieu.

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd'hui : "Les fonds britanniques financent la destruction de certains des plus célèbres peuples pastoraux d'Afrique. Ce qui devrait scandaliser les contribuables, mais ils ne seront probablement pas surpris. Le gouvernement britannique est réputé pour ses vœux pieux en ce qui concerne ses obligations envers les droits fondamentaux des peuples indigènes. Quant aux engagements de DFID sur les droits de l'homme en Ethiopie, ils n'ont aucune valeur puisque cette institution ignore à la fois ses propres normes et les conventions auxquelles elle a adhéré".
Auteur : Survival International



NOTRE PLANETE INFO 15/4/2013

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