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Hess Deep : suivez le forage au coeur de la croûte océanique

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13 décembre, c'est le jour de l'embarquement pour l'expédition Hess Deep Plutonic Crust qui, dans l'océan Pacifique, va forer pour la première fois la croûte océanique inférieure. Jean-Luc Berenguer, qui s'est fait envoyé spécial pour Futura-Sciences, racontera depuis le navire JOIDES Resolution ce forage exceptionnel, à la confluence de trois plaques tectoniques, comment les choses se passent....


Passer Noël en plein Pacifique, c’est ce que prévoient les scientifiques qui ont embarqué ce 13 décembre à bord du navire JOIDES Resolution. Le bateau scientifique parti de Puntarenas, au Costa Rica accueille une équipe internationale qui entend percer les mystères de la croûte océanique inférieure. La campagne de forage, Hess Deep Plutonic Crust (IODP 345), durera jusqu’au 12 février 2013 et comprend 4 Français, dont Jean-Luc Berenguer du centre international de Valbonne, que Futura-Sciences suivra tout au long de l’expédition.


La croûte océanique se forme au niveau des dorsales, par refroidissement du magma issu du manteau terrestre. Lorsque le magma arrive à la surface, sur le plancher océanique, il se refroidit rapidement, se fige en basaltes, et forme la croûte océanique supérieure. S’il reste en profondeur, le magma cristallise plus lentement, la roche magmatique est alors du gabbro. La croûte océanique, épaisse de 6 km, est constituée de la superposition de gabbros profonds et de basaltes plus superficiels.


L'objectif de cette campagne est d'échantillonner les roches magmatiques primitives de la croûte océanique inférieure du Pacifique. Ces échantillons éclaireront les chercheurs sur le mode de fabrication de la croûte océanique au niveau des dorsales rapides. Ils permettront en outre de documenter l'importance des échanges chimiques entre la croûte et l'océan, en étudiant la force qu’exerce l’eau de mer sur le refroidissement de la jeune croûte. L'équipe scientifique se rendra au large du Costa Rica, à Hess Deep, où dans l'idéal trois forages seront réalisés.

Hess Deep, c’est le point triple où se rencontrent les trois plaques tectoniques pacifique, de Cocos et de Nazca. On caractérise cette région comme l’une des rares « fenêtres tectoniques » où la croûte profonde et le manteau terrestre sont plus accessibles. Dans cette zone, la croûte océanique est ouverte par des failles, laissant les roches de la croûte inférieure plus accessibles sur le plancher océanique. La mission consistera donc à forer en ce point le plancher océanique.

L'équipe scientifique forera la croûte océanique au niveau des dorsales rapides, c'est-à-dire qui s'étendent à plus de 8 cm/an. La croûte ainsi formée est plus uniforme et homogène que celle générée aux niveaux des dorsales lentes. Ainsi, caractériser ce type de croûte permet de mieux appréhender les cycles géochimiques (comme celui du carbone) à l'échelle de la planète. La croûte formée au niveau des dorsales rapides est celle qui est la plus recyclée dans le manteau terrestre via les zones de subduction.


Cette campagne internationale est dirigée par Jonathan Snow de l’université de Huston (Texas) et Kathy Gillis de l'université de Victoria (Canada). Elle comprend également 3 chercheurs du CNRS, Marguerite Godard et Benoît Ildefonse (du laboratoire Géosciences Montpellier) ainsi que Georges Ceuleneer, du laboratoire Géosciences environnement Toulouse.




Le JOIDES Resolution est un bateau scientifique de forage. Ces dernières missions l'ont conduit aux Antilles, en Méditerranée et dans l'océan Atlantique. Il part pour deux mois à Hess Deep, au large du Costa Rica, pour effectuer trois forages de la croûte océanique inférieure. ©️ Jean-Luc Berenguer



La région de Hess Deep est au large du Costa Rica. Elle est à la confluence de 3 plaques tectoniques : la grande plaque pacifique (EPR), la plaque de Cocos (Cocos plate) et la plaque de Nazca (Nazca plate). La mission Deep Hess Plutonic Crust a pour but de forer la croûte océanique dans cette région. ©️ Smith et al., 2011


FUTURA SCIENCES 13/12/2012

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C’est fait, le JOIDES Resolution, ce bateau scientifique de forage, fait cap vers le rift du Hess Deep. Le 17 décembre 2012, le JOIDES a levé l’ancre et l’équipage a quitté les côtes du Costa Rica que l'équipe ne reverra pas d’ici 8 semaines. Si la Hess Deep Crust Plutonic Crust est une grande mission scientifique, c’est aussi une aventure humaine. Jean-Luc Berenguer la partage en images avec Futura-Sciences.

L'équipe scientifique internationale, embarquée à bord du JOIDES Resolution le 13 décembre 2012, poursuit à bord la préparation de la mission de forage. Kathryn Gillis, la chef de projet, assure le briefing. ©️ Jean-Luc Berenguer

Cap sur le rift du Hess Deep. Il faudra 4 à 5 jours de navigation pour atteindre le point triple, où convergent les plaques tectoniques pacifique, de Cocos et de Nazca. Durant l’escale de Puntarenas, l’équipage était à pied d’œuvre. Les scientifiques ont préparé activement ensemble les derniers éléments de la mission sous la direction de leurs chefs de projet, Jonathan Snow et Kathryn Gillis.

Sur l'image de gauche, l'équipage (en rouge) lève l'ancre. Les scientifiques de la mission sur le ponton regardent la manœuvre de départ. ©️ Jean-Luc Berenguer

« Un départ de bateau est toujours un moment particulier », confie Jean-Luc Berenguer. Pendant que l’équipage se concentrait à la manœuvre, l’équipe scientifique immortalisait l’instant depuis le pont supérieur. L’expédition durera 8 semaines en pleine mer. S’y déroulera une grande aventure scientifique, technologique et humaine.

« Une question est revenue souvent ces derniers jours, lors de nos discussions improvisées avec les locaux de Puntarenas (au demeurant fort accueillants !) : celle de la nécessité d’aller si loin au nord des îles Galápagos pour explorer la croûte océanique », raconte Jean-Luc Berenguer. Il donne donc des éléments de réponse.

Les modèles de croûte océanique que les scientifiques élaborent prévoient une succession de roches différentes : de la surface vers le bas, on doit trouver les sédiments, les basaltes, les dolérites et enfin les gabbros. Si l’on souhaite atteindre cette dernière couche, il faudrait, dans un endroit quelconque de l'océan, percer au préalable 1.500 m dans des roches siliceuses qui se révèlent très dures.

Jean-Luc Berenguer modélise le rift du Hess Deep : les failles et les forces d'extension provoquent un fossé d'effondrement. Sur ses flancs, les gabbros affleurent. ©️ Jean-Luc Berenguer

Or, le Hess Deep est un rift : des failles normales et des forces d’extension ont provoqué un fossé d’effondrement, et les gabbros affleurent à la faveur de cette géodynamique. Ce site est donc approprié pour étudier les couches profondes de la croûte océanique.

La passerelle du JOIDES Resolution, qui faisait le lien entre le bateau et la terre ferme du port d'escale de Puntarenas au Costa-Rica, a été décrochée. Le bateau scientifique de forage est parti au rift du Hess Deep, pour 8 semaines de mission. ©️ Jean-Luc Berenguer

Dans quelques jours, avant Noël, le bateau s’immobilisera sur le site. Il maintiendra sa position grâce à sa technologie de pointe et les travaux decarottage débuteront… À suivre !



Futura Sciences 22/12/2012

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Le JOIDES Resolution est arrivé au rift du Hess Deep ! La mission de forage du plancher océanique va pouvoir démarrer. Il faut d’abord échographier le plancher océanique afin de déterminer le meilleur emplacement pour l'équipement du carottage. Jean-Luc Berenguer explique en détail à Futura-Sciences comment les scientifiques conduisent la mission.


Le JOIDES Resolution est un bateau scientifique de forage. Il a jeté l'ancre au rift de Hess Deep, où les scientifiques comptent forer le plancher océanique pour atteindre la croûte océanique inférieure. ©️ IODP

Le 26 décembre 2012, à l'heure où les Français se remettaient de la fête de Noël, le JOIDES Resolution est arrivé au rift du Hess Deep, dans l’océan Pacifique. Ça y est, la mission Hess Deep Plutonic Crust peut commencer. L'objectif de l'expédition est de forer le plancher océanique pour atteindre les roches magmatiques primitives de la croûte océanique inférieure du Pacifique. Mais avant d'entreprendre le carottage, les scientifiques à bord doivent déterminer avec précision les endroits où ils pourront installer des puits de forage stables. Il leur faut pour cela affiner les connaissances sur la nature du plancher océanique et en particulier de la couverture sédimentaire.


Modèle simplifié du rift du Hess Deep. La couche blanche non rayée représente la croûte océanique inférieure (et donc legabbro). Sur la droite de l'image, le forage depuis le JOIDES Resolution. Les scientifiques cherchent une surface relativement plane pour forer au niveau de la pente du récif pour atteindre les gabbros. ©️ Jean-Luc Berenguer

Pourquoi tant d’intérêt pour les sédiments si la mission cherche à atteindre les gabbros, ces roches magmatiques sous-jacentes ? [i]« Les gabbros sont habituellement recouverts par les basaltes et dolérites de la croûte océanique, explique Jean-Luc Berenguer. Ces roches sont donc particulièrement difficiles à atteindre, puisqu'il faudrait creuser près de 1.500 m de roches volcaniques très dures avant de les atteindre. Le rift du Hess Deep, à la faveur de failles normales, met à jour des gabbros. »[/i]


La bathymétrie du rift. L'image du haut montre la représentation en 3D du rift du Hess Deep, et l'image du bas la bathymétrie du sol le long de la coupe (trait blanc sur l'image du haut). Dans cette zone, les scientifiques cherchent à atteindre les roches magmatiques primitives de la croûte océanique inférieure du Pacifique. ©️Google Earth Earth, IODP

Il s'agit donc de forer sur l'un des flancs du rift. Toutefois, une bonne assise pour le dispositif de carottage nécessite une zone stable, c'est-à-dire relativement plane et recouverte de sédiments. Le cône d’entrée du carottage requiert en effet une base d’environ 30 m de sédiments. La première étape de la mission consistera donc à échographier le site, puis à opérer des « puits pilotes » permettant aux foreurs de préparer au mieux les puits définitifs.

Le cône d'entrée du foret utilisé. Il faut trouver une surface relativement plane de façon à fixer les deux bras du cône d'entrée. Une base de 30 m de sédiments est requise. ©️ IODP

Les scientifiques s'apprêtent ainsi à scanner les premières couches du plancher océanique à l’aide de la sismique réflexion. Comment ce système fonctionne-t-il ? « Des ondes sont générées par un dispositif descendu sur le plancher de l’océan, explique Jean-Luc Berenguer. Ces ondes émises sont réfléchies dès qu’elles rencontrent des milieux différents sur leur chemin. On récupère ces ondes à l’aide de capteurs installés au niveau du navire. On peut ainsi visualiser des unités physiques distinctes séparées par des surfaces réfléchissantes appelées réflecteurs. »


Le dispositif émetteur d’ondes est descendu le long de la rampe jusqu’au plancher océanique. Il permet de mieux visualiser la nature des couches du plancher océanique. ©️ Jean-Luc Berenguer

Les scientifiques interpréteront par la suite la nature des unités physiques. La vitesse des ondes varie en fonction du milieu qu'elles rencontrent. Dans les sédiments, l'onde émise se propage à 2.000 m/s. Ainsi, si par exemple dans l'enregistrement, un double temps de 0,02 s est identifié dans une couche de sédiments, on peut en déduire que l'épaisseur de la couche est d'environ 20 m.


Identification des temps d’arrivée des ondes et construction du profil de sismique. Une étape clé pour choisir l’emplacement des puits. ©️ Jean-Luc Berenguer

« À partir de ces éléments, la décision sera prise de choisir un emplacement pour pratiquer le puits pilote. C'est une décision importante », explique Jean-Luc Berenguer. La suite de la mission dépendra du succès de ces premières opérations sur les puits pilotes. Mission à suivre donc.


FUTURA SCIENCES 02/01/2013

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Au rift du Hess Deep, les opérations de l’expédition IODP 345, Hess Deep Plutonic Crust, se poursuivent. Après l’étude du plancher océanique, les foreurs du JOIDES Resolution sont passés à la phase de prospection de puits pilote. Pour Futura-Sciences, Jean-Luc Berenguer commente, images à l'appui, les résultats de cette mission délicate et passionnante.

La mission Hess Deep Plutonic Crust (IODP 345) a pour objectif de forer la croûte océanique et d’atteindre les roches magmatiques primitives. Plus facilement accessibles au rift du Hess Deep, dans le Pacifique, ces roches éclaireront les chercheurs sur le mode de fabrication de la croûte océanique au niveau des dorsales rapides. Après avoir identifié la zone de forage par sismique réflexion, les scientifiques à bord du JOIDES Resolution réalisent des puits pilotes.

Un site pilote permet d'évaluer la qualité potentielle d’un point du fond océanique avant d’y entreprendre un puits pérenne. Pour cela, un long train de tiges est descendu sur le site à l'aide du derrick du JOIDES Resolution. Le derrick, cette tour de forage, mesure près de 45 m de haut. L’outil permet de manipuler 30 m de tiges de forage à la fois. Le navire a embarqué un total de 7.500 m de tiges de forage.

La descente progressive du train de tiges et l'ouverture du puits sous 5.000 m d'eau sont suivies par caméra. Mais au rift du Hess Deep, la situation est délicate. En effet, le relief est très accidenté et le plancher océanique est couvert de sédiments auxquels se mêlent beaucoup d’éboulis.

Pour chaque puits pilote, le carottage reste superficiel et ramène, après de nombreuses heures, quelques dizaines de centimètres de carottes. « Chaque puits apporte son lot de surprises, tantôt de beaux échantillons degabbros, même si pour la plupart il s’agit d’éboulis… tantôt du sableprovenant de la décomposition de ces gabbros »,explique Jean-Luc Berenguer. Dans chaque carotte, les roches sont minutieusement étudiées à l’échelle macroscopique puis microscopique. Chaque spécialiste apporte et partage son expertise.

Le puits U1415 I sera finalement le plus prometteur avec une belle carotte de 1,5 m de gabbros arrachés au fond océanique. La décision est prise : la phase de création d’un puits définitif se déroulera sur ce site. « À présent, on va pratiquer une ouverture conséquente dans le plancher océanique, y fixer un cône d’entrée qui matérialisera le puits et permettra d’y revenir autant de fois que nécessaire », précise Jean-Luc Berenguer. Mission délicate et de la plus haute importance !

À gauche, le derrick sur le bateau scientifique de forage JOIDES Resolution. Il mesure 45 m de haut, et permet de déplacer 30 m de tiges de forage simultanément. À droite, les tiges de 13 cm de diamètre. Le navire en a embarqué pour un total de 7.500 m. ©️ Jean-Luc Berenguer

Une capture d'écran de la transmission vidéo que reçoivent les scientifiques à bord du JOIDES Resolution lors de la descente des tiges. ©️ Jean-Luc Berenguer

Les chercheuses expertisent différentes carottes à l'échelle macroscopique (à gauche) tandis qu'à droite, un chercheur examine au microscope des échantillons de gabbros. ©️ Jean-Luc Berenguer

Le cône d’entrée du futur puits de carottage est assemblé sur le bateau JOIDES Resolution puis descendu par la « moon pool ». ©️ Jean-Luc Berenguer


FUTURA SCIENCES 10/01/2013

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À bord du JOIDES Resolution, l’enseignant en biologie et géologie Jean-Luc Berenguer partage avec Futura-Sciences le premier forage de la croûte océanique inférieure rift du Hess Deep. Vivez en images ce défi technologique et humain qui se déroule en plein Pacifique.

Dans le dernier épisode du suivi de la mission Hess Deep Plutonic Crust, les scientifiques avaient testé différents puits pilotes. L’objectif était de trouver, au rift du Hess Deep, une surface suffisamment stable et plane pour que le cône de forage soit bien fixé. L’équipe avait statué : ce serait le puits U1415 J qui serait le point de forage. Son entrée a donc été équipée d’un cône : on le positionne le long des tiges de forage et on le laisse glisser sous son propre poids, jusqu’au puits couvert de sédiments.

Sur le pont du bateau, l’équipage ne ménage pas ses efforts. Les foreurs sont en pleine action. ©️ Jean-Luc Berenguer

La croûte océanique étant très jeune (un million d’années), la couche de sédiments n’est pas épaisse (moins de 20 m). Il faut donc faire preuve d’ingéniosité. Dans un premier temps, un cône sans base est descendu. Cela permet de forer les premiers mètres dans le milieu, qui se révèle très instable. Ensuite, un second cône, plus traditionnel, vient s’emboîter sur le premier. Ce procédé est une première dans l’histoire du JOIDES Resolution, navire pourtant spécialisé dans les forages.

La caméra envoyée pour inspecter les lieux le confirme : l’opération est réussie. Pourtant, l’équipage poursuit ses efforts sur le pont de forage. Sans relâche, pendant de longues heures, les tiges sont assemblées, démontées puis remontées. L’expédition est un réel défi technologique. « On savait qu’il ne serait pas facile de forer au Hess Deep sur des pentes très accidentées, et donc très instables », commente Jean-Luc Berenguer.

La première carotte de gabbro arrive sur le bateau. La mission est un succès. ©️ Jean-Luc Berenguer

«On sent l’inquiétude et l’excitation monter autour des opérations en cours. La question de l’instabilité du puits est dans toutes les têtes : foreurs, techniciens, scientifiques»,explique Jean-Luc Berenguer. Finalement, les techniciens s'écrient «core on deck !» La carotte est sur la plateforme. Les foreurs ont envoyé un tube de 10 m dans leurs tiges de forage (le «core barrel»), chargées de récupérer les roches arrachées à la croûte océanique. Une demi-heure suffit pour que ces roches fassent le chemin inverse pour parvenir sur le pont. Le pourcentage de recouvrement n’est pas optimal, mais les échantillons sont magnifiques. «Des roches qui surprennent par leur fraîcheur», raconte Jean-Luc Berenguer.

«Il s’agit bien de gabbros, ces roches magmatiques qui composent la base de la croûte océanique, des roches produites par le long refroidissement des magmas profonds», enchérit-il. Des lames minces, réalisées à bord, montrent de très beaux cristaux ferromagnésiens au microscope polarisant. Les jours suivants, de nouvelles carottes remontent avec des roches de plus en plus intéressantes. Leur étude occupe l’équipe scientifique qui doit décrire rapidement ce matériel.

Problème : le puits, au fil des remontées, présente des anomalies. «C’est un peu comme quand vous essayez de faire un trou dans le sable sur la plage… Les parois s’écroulent rapidement, alors imaginez sous 5.000 m d’eau !» Dans ces conditions, le forage ne devrait pas atteindre plus de 80 m, à moins de procéder à la solidification des parois du puits à l’aide de ciment. Ce n’est pas une opération fréquente, car cimenter un sol à 5.000 m de profondeur n’est pas aisé. Toutefois, au vu des différents paramètres enregistrés, cette solution est tout de même adoptée. Le forage est provisoirement arrêté : 8 m de carottes sont déjà archivés, soit un taux de récupération de 10 %. La cimentation du puits risque de prendre du temps, il faut donc lancer l’opération rapidement.


Schéma de principe de l'emboîtement des 2 cônes. Étape 1 (Step 1 en anglais), forage avec une tige de 37 cm (14,75 inches) depuis le fond (seafloor). Étape 2 (Step 2), le premier cône (Drop Free-fall Funnel, ou FFF) pénètre le sol le long de la tige. Au-dessus des déblais de forage (drill cuttings), il protège la bouche du puits et recevra du ciment. Étape 2 bis : emboîter un deuxième cône rotatif (RCB) de 25 cm avec une base cimentée de 27 cm qui prend appui sur le premier cône. Étape 3 : forer à partir du second cône. ©️ IODP

Les foreurs doivent calculer avec précision la quantité de ciment nécessaire et les zones à cimenter (à l’image, Jean-Luc Berenguer et un schéma du puits de forage). © Jean-Luc Berenguer

Les chercheurs profitent alors de cette pause pour examiner en détail les minéraux : leur nature, leur forme, leur orientation, mais aussi les propriétés physiques des roches et leur géochimie. «Toutes les disciplines scientifiques se croisent pour un même objectif : retrouver l’[i]histoire magmatique et postmagmatique de cette croûte océanique qui constitue la majeure partie de la surface de notre planète. On espère vous en dire plus sur ces belles roches et les processus qui les ont formées dans le prochain épisode[/i]

La mission de forage au Hess Deep fait une pause, le temps de cimenter l'entrée du puits. Pendant ce temps, les scientifiques analysent en détail les minéraux des carottes. Ils espèrent ainsi découvrir l'histoire des roches magmatiques. ©️ Jean-Luc Berenguer



FUTURA SCIENCES 18/01/2013

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Au rift du Hess Deep, les forages ont repris. Le puits de forage a été cimenté avec succès (voir message précédent). Depuis, une dizaine de mètres de gabbros ont pu être récoltés. Jean-Luc Berenguer, enseignant français de SVT, nous explique comment ces échantillons sont analysés et archivés à bord du JOIDES Resolution. Découvrons, en images, le travail des scientifiques.

Au rift du Hess Deep, zone de convergence de trois plaques tectoniques du Pacifique, le navire de forage JOIDES Resolution utilise ses 12 propulseurs pour rester en position au-dessus du puits : il doit en effet rester d’aplomb. Si le navire venait à s’écarter de plus de 150 m, son train de forage ne résisterait pas. À bord, les scientifiques, techniciens et membres de l’équipage collaborent pour effectuer le meilleur carottage de la couche de gabbro, constituant principal de la croûte océanique inférieure.

L'entrée du puits U14215 J avec son cône, sous 4.850 mètres d’eau. ©️ IODP


Après les premiers carottages, les géologues avaient finalement décidé de cimenter le puits. En effet, la croûte océanique supérieure est jeune (1 million d’années), ce qui rend la base de forage instable. Il aura ainsi fallu cimenter trois fois le puits pour que ses parois soient suffisamment solides. Finalement, la mission est un succès, le puits est stable et les forages ont pu reprendre. Bilan : le dernier forage a atteint une profondeur de 111 m en-dessous du plancher océanique. Avec un taux de recouvrement de près de 10 %, il reste une dizaine de mètres de roche à étudier. Si cela semble moindre, c’est pourtant satisfaisant pour une matière dure comme le gabbro.

Les roches les plus superficielles sont vers l’embout bleu, les plus profondes vers l’embout transparent. ©️ Jean-Luc Berenguer


Lorsqu’une carotte de roche arrive sur le pont, le rituel est immuable. «On assiste au même ballet des techniciens. Les roches sortent de leur étui de fer protecteur (le core barrel). On les dispose dans leur nouvel écrin : un tube cylindrique en plastique qui constituera la coque de la carotte», détaille Jean-Luc Berenguer. Une des toutes premières actions, méticuleusement menée par les techniciens, est de bien orienter les roches dans cette enveloppe.

Voici le vaste «Core lab» à bord du JOIDES Resolution. ©️ Jean-Luc Berenguer


Le bateau est un laboratoire ambulant. Sitôt les carottes extraites, elles partent à l'étude. Elles feront alors l’objet de mesures et d’observations par les scientifiques et techniciens à bord. Pour cela, le navire dispose de vastes espaces équipés d’appareils complexes et très performants. Par ailleurs, le programme IODP a élaboré une procédure d’étude propre à cette mission, dont la première étape consiste à archiver tous les échantillons.

Les échantillons subissent ensuite une batterie de mesures physiques. «Il s’agit d’évaluer, à l’aide d’appareils de mesure automatisés, la densité, le magnétisme des roches contenues dans les carottes ainsi que la mesure de la célérité des ondes sismiques dans ces mêmes roches», explique Jean-Luc Berenguer. Les données recueillies sont intégrées dans les bases de données informatiques du navire.

Les roches des carottes sont coupées en deux parties symétriques. À l’aide de scies spéciales, deux demi-carottes similaires sont obtenues. L’une est classée «A» (pour archive), l’autre «W» (pour working, travail en français). Cette carotte A est par la suite stockée sur le bateau, puis acheminée vers un centre de stockage au Texas, qui regroupe toutes les carottes prélevées dans l’est du Pacifique. Il y a aussi un centre à Brême, en Allemagne et à Kochi, au Japon.

La carotte W est celle sur laquelle les scientifiques peuvent prélever leurs échantillons. Les roches sont photographiées, observées avec soin à la loupe et identifiées : gabbros, troctolites, schistes verts pour le nom des roches ; olivine, plagioclases, pyroxènes pour leurs minéraux constitutifs.

Variations des propriétés physiques des roches dans les carottes. De gauche à droite : l'émission de rayons gamma, la résistance, la densité et la porosité de la roche en fonction de la profondeur. ©️ IODP


Chaque domaine scientifique a des besoins d’échantillons spécifiques : les pétrologistes utilisent des lames minces pour étudier les minéraux de manière détaillée ; les paléomagnéticiens se basent sur de petits cubes pour évaluer le champ magnétique enregistré dans les roches ; les physiciens ont des mesures complémentaires à réaliser comme la porosité ou la conductivité des roches ; enfin, les géochimistes traquent les éléments dans de fines poudres de roche.

«Mais les roches sont précieuses, il faut choisir les échantillons avec soin : on argumente autour des tables afin d’optimiser l’échantillonnage», raconte Jean-Luc Berenguer. Les chercheurs vont donc se relayer pour étudier les échantillons dans tous les champs scientifiques représentés. Ils auront, après l’expédition, la primeur de ce matériel exceptionnel, pendant une année.



FUTURA SCIENCES 28/1/2013

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En plein Pacifique, au rift du Hess Deep, une équipe de scientifiques fore le plancher océanique. L'objectif de la mission est d'échantillonner les roches primitives issues des chambres magmatiques, les gabbros. Découvrez en images les premiers échantillons, véritables témoins de l'histoire de la formation de la surface terrestre.

En images, un échantillon de gabbro du Hess Deep. À gauche, la roche issue du forage. À droite, une lame mince vue au microscope polarisant. ©️ IODP

L’étude des roches profondes de la croûte océanique se poursuit à bord du JOIDES Resolution. Dans l’histoire de la recherche océanographique, les roches primitives n’ont jamais été explorées de si près, alors que la croûte océanique couvre deux tiers de la surface du globe. Sa genèse est liée à l’émission des magmas à l’aplomb des dorsales et à son refroidissement plus ou moins brutal.

Les dorsales rapides (aux remontées de magma continues), comme celle du Pacifique est, produisent plus de 50 % de cette croûte. Autant dire que le fonctionnement des chambres magmatiques à l’origine des gabbros demeure un élément clé de la connaissance de notre planète.

S’il n’est pas possible d’étudier in situ ces chambres magmatiques (en particulier à cause des conditions de température et de pression), on peut néanmoins examiner les roches produites par le refroidissement de ces magmas : les gabbros. Le bateau est au rift du Hess Deep, où se rencontrent les plaques tectoniques pacifiques, de Cocos et de Nazca. Le forage du puits U1415 J a fourni aux scientifiques à bord de beaux échantillons de roches. Ils sont exceptionnels : peu altérés, avec de gros cristaux dont les lames minces sont magnifiques.

Le gabbro altéré dans le faciès schiste vert. L'aspect noir est dû à la magnétite.


«On y trouve les habituels silicates plagioclases, assez communs dans les roches magmatiques, mais aussi de grands cristaux de pyroxène et des olivines caractéristiques de milieux proches du manteau terrestre», commente le professeur Jean-Luc Berenguer. La structure, la densité, les minéraux ou encore le magnétisme des roches sont scrutés par l’équipe internationale. Les géologues cherche à décrypter l’histoire de la formation d’une grande partie de la surface du globe.

Plusieurs modèles scientifiques sont envisagés, résultant d’études effectuées pour la plupart sur des lambeaux de croûte océanique retrouvés sur les continents (à la suite de la disparition d’un océan). Dans ces affleurements, les ophiolites, il faut distinguer toutes les étapes subies par cette croûte au cours du temps. Les gabbros du Hess Deep, jeunes d’un million d’années, devraient donc permettre d'enrichir les connaissances acquises. Toutefois, bien que récents, ils montrent déjà des altérations. L’olivine verte s’est transformée en serpentine, et en magnétite qui donne une couleur noire à la roche. L’eau de mer est également un facteur non négligeable et intervient très tôt dans l’altération des roches.

Les scientifiques à bord du JOIDES Resolution travaillent sur les cartes bathymétriques du rift du Hess Deep, pour déterminer le prochain lieu de forage. ©️ Jean-Luc Berenguer


À la suite de ces découvertes, les recherches ont une nouvelle fois dû être arrêtées : le puits J s’est effondré. Les carottes de roches ne parviennent plus jusqu'au bateau. Jean-Luc Berenguer raconte : «depuis que le puits U1415 J a vu ses parois s’effondrer, le JOIDES Resolution est à la recherche d’un nouveau site… Mais les choses sont décidément difficiles dans ce rift profond, les pentes sont très instables».

Les pentes rendent alors difficile l’installation des cônes d’entrée du puits. Sur le tableau du laboratoire, les noms des puits ouverts s’enchaînent : K, L, M, N, O, etc. Autant d’essais, autant d’insuccès. Le plancher de l’océan s’effondre sous la masse des cônes d’entrée, glissés depuis le bateau sous l’effet de leur poids le long des tiges de forage. Ils sont pourtant indispensables pour marquer l’entrée du puits et pour pouvoir aisément y revenir (après un changement du matériel de forage, par exemple).

À gauche, la caméra montre l'ouverture d’un nouveau puits, U1415 P. Et à droite, le nouveau trépan prêt à forer le nouveau puits si l’installation du cône d’entrée est réussie. ©️ Jean-Luc Berenguer, IODP


Les scientifiques en étaient à la lettre P lorsqu’ils ont réussi à installer un nouveau puits. Nommé U1415 P, il a été ouvert sur une douzaine de mètres avec un trépan particulier, qu’il a ensuite fallu changer. Le cône y est ensuite descendu : il glisse le long des tiges déjà positionnées, et se dépose sur le plancher océanique. Après quelques essais périlleux, la caméra a confirmé qu’il était bien en place, enfoncé sur une dizaine de mètres. Le trépan et tout le train de tiges se sont alors mis en action.

La résistance du plancher au forage est un bon signe. «Sur le pont, tout comme au laboratoire, on croise les doigts !» Finalement, la mission continue, les techniciens se sont écriés « Core on deck… core on deck ! » De nouvelles roches sont arrivées sur le pont.

Voici le cône d’entrée, prêt pour une nouvelle tentative sur le puits P. Les poissons de grands fonds assistent à la réussite de l'installation de ce nouveau puits. ©️ Jean-Luc Berenguer, IODP



FUTURA SCIENCES 7/2/2013

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La mission Hess Deep Plutonic Crust aura duré presque deux mois. Les scientifiques à bord du JOIDES Resolution ont foré la croûte océanique en vue d’obtenir des échantillons de gabbros, ces roches magmatiques primitives. Jean-Luc Berenguer, enseignant de SVT à bord du navire, partage avec Futura-Sciences les derniers forages, avant le retour vers les terres.


À bord du JOIDES Resolution, les derniers forages sont réalisés. En mer depuis le 13 décembre 2012, les scientifiques cherchaient à atteindre la croûte océanique inférieure. Elle caractérise la couche où la roche magmatique a cristallisé lentement, et formé du gabbro.


Le forage de ces roches primitives éclairera les chercheurs sur le mode de fabrication de la croûte océanique au niveau des dorsales rapides. Au rift du Hess Deep, trois plaques tectoniques convergent, rendant l’accès à la croûte inférieure plus facile.

« On n’y croyait plus », s’exprime Jean-Luc Berenguer. Les opérations de forage au rift du Hess Deep se révèlent à nouveau fructueuses. Après l’abandon de plusieurs sites bien trop instables, le navire scientifiqueJOIDES Resolution est parvenu à forer un dernier puits. Les roches ont à nouveau rejoint le pont du bateau. Il a toutefois été difficile d’opérer une entrée stable dans ce dernier puits de l’expédition 345. Le cône d’entrée a finalement été mis en place sur les pentes abruptes du rift du Hess Deep. Une fois les tiges de forage mises en place, avec un trépan tout neuf, elles se sont mises en rotation.

Pour cette première carotte du puits P, les roches n’ont pas de nature précise. Elles peuvent venir de roches en place ou d’éboulis dus à l’ouverture du puits. Cette carotte sera donc désignée par l’appellation «ghost» (fantôme en anglais). En général, les roches recueillies fournissent tout de même des informations précises. Mais finalement, lorsque la première carotte baptisée 345 U1415 P 1G a été extraite, la nouvelle est tombée : des gabbros et uniquement des gabbros ! C’est bien la zone profonde de la croûte qui a été forée.

Pourquoi 345 U1415 P 1G ? La référence d’une carotte indique diverses informations : 345 caractérise le numéro de l’expédition du JOIDES Resolution. U1415 désigne le site. La lettre P rappelle le puits foré. Le numéro 1 indique qu’il s’agit de la première carotte obtenue de ce puits. Et la lettre G signifie ghost.

Les carottes se suivent à un bon rythme. « Le sourire est revenu chez les scientifiques. Des gabbros tout frais nous parviennent et remplissent les tables du laboratoire. La croûte profonde se dévoile enfin », commente Jean-Luc Berenguer. Les équipes s’activent autour des microscopes, ou des machines de toute sorte. « Il faut analyser toutes ces roches inédites qui interpellent nos spécialistes... qui n’en sont pourtant pas à leur première observation ! », renchérit-il.

Le trépan avance dans les profondeurs du plancher océanique. Déjà deux jours de forage, il va falloir changer le trépan de forage usé par les multiples rotations dans les roches dures. C’est un moment délicat, car il faut remonter tout le train de tiges sur le bateau et donc quitter le puits. Après avoir changé le trépan, on redescend le train de tiges pour l'insérer à nouveau dans le puits en s’aidant du cône de ré-entrée, fixé sur le plancher océanique. Rappelons que les opérateurs sur le bateau sont séparés de l’entrée du puits par 5.000 m d’eau.

La nouvelle carotte sera un encore un «ghost», mais avec quand même des échantillons de gabbro. La vie du laboratoire est à nouveau rythmée par l’arrivée des carottes. La fin des opérations approche et il faudra rapidement quitter le site. Le puits aura été foré sur près de 108 m… Jean-Luc Berenguer précise : « on aura ramené de ce puits 25 carottes de gabbros » !


Le retour à terre est proche, et l'on commence à songer aux études qu’il faudra mener dans les laboratoires. Les équipes s’organisent autour des projets de recherche. Jean-Luc Berenguer décrit : [i]« les chercheurs auront le privilège des échantillons pendant un an. Un an pour des études qu’ils mèneront dans leurs laboratoires respectifs, puis ce sera le temps des publications. De nouvelles données sur la croûte océanique viendront compléter nos connaissances. Ainsi va la science… Aura-t-on à réécrire les manuels scolaires ? »[/i]



Cône d’entrée du puits 345 U1415 P par 4.863 mètres de fond. Il s’agit du dernier puits foré au cours de l’expédition. ©️ IODP

Arrivée d’une carotte. Premier examen des échantillons par les structuralistes. ©️ Jean-Luc Berenguer


Pour chaque carotte de roches, on envoie un cylindre (core barrel) par 5.000 m de fond. ©️ Jean-Luc Berenguer


Au laboratoire de géochimie, les poudres de roches sont analysées minutieusement. Il s'agit des poudres de gabbros du dernier carottage de la mission Hess Deep Plutonic Crust qui aura foré pendant deux mois le plancher océanique au rift du Hess Deep. ©️ Jean-Luc Berenguer

FUTURA SCIENCES 25/2/2013

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Les premières analyses des gabbros extraits lors de l’expédition Hess Deep commencent à parler. La découverte d’Orthopyroxène et d’olivine a particulièrement surpris les chercheurs, car on les pensait absents de la croûte océanique profonde. Ainsi, les résultats de certains modèles théoriques se sont vus confirmés, tandis que d’autres doivent être révisés.

En décembre 2012 et janvier 2013, Futura-Sciences nous a fait vivre de l'intérieur l’expédition no 345 de l’International Ocean Discovery Program (IODP). À cette occasion, le navire de forage scientifique JOIDES Resolution s’est rendu à l’aplomb du rift océanique Hess Deep, dans le Pacifique équatorial. Ce choix ne devait rien au hasard, puisque ce site se trouve précisément à la rencontre de trois plaques tectoniques (point triple) et qu’il constitue l’une des rares « fenêtres tectoniques ». En ce lieu, la croûte océanique profonde et le manteau terrestre sont donc plus accessibles qu’ailleurs.

 Le JOIDES Resolution est un bateau scientifique de forage. Ces dernières missions l'ont conduit aux Antilles, en Méditerranée, dans l'Atlantique et dans le Pacifique. Lors de l'expédition 345 de l'IODP, il a réalisé trois forages sur le point triple Hess Deep, au large du Costa Rica. ©️ Jean-Luc Berenguer

Les croûtes océaniques recouvrent près de 70 % de la surface de la planète. Elles se forment au niveau des dorsales médio-océaniques, par le refroidissement de magma provenant du manteau. Cependant, nos connaissances sur ce qui se passe plusieurs kilomètres sous les fonds marins restent théoriques. Elles sont basées sur des analyses de données sismiques, sur l’observation d’Ophiolites (des roches océaniques charriées sur un continent) et, bien entendu, sur de la modélisation. Mais sont-elles exactes ?

C’est notamment pour répondre à cette question que l’expédition Hess Deep a été organisée. De prime abord, les carottes forées dans les fonds marins ont livré un premier résultat dès leur extraction sur le navire : la croûte océanique profonde, celle qui repose sur la couche externe composée de basaltes, a bien été atteinte par les forages, puisque des gabbros ont été remontés. D’ailleurs, la présence de ces roches plutoniques valide les résultats des modèles ayant défini la structure interne de la croûte océanique. Depuis, les prélèvements ont été rapportés sur la terre ferme, où ils sont en cours d’analyse.

 La région de Hess Deep est au large du Costa Rica. Elle est à la confluence de trois plaques tectoniques : la grande plaque pacifique (EPR), la plaque de Cocos (Cocos plate) et la plaque de Nazca (Nazca plate). La mission Hess Deep Plutonic Crust a pour but de forer la croûte océanique dans cette région. ©️ Smith et al., 2011

Et les échantillons livrent leur lot de surprises. Certaines viennent d’être présentées dans la revue Nature par Kathryn Gillis de l’université de Victoria (Canada) et une trentaine de collaborateurs. Des gabbros ont notamment été débités en sections fines, puis observés avec des microscopes polarisants. C’est alors qu’une première surprise est apparue. Les scientifiques ont identifié un minéral du groupe des silicates de magnésium : l’orthopyroxène. Or, sa présence n’avait jamais été prévue à de telles profondeurs dans la croûte océanique. Conclusion : les réactions chimiques de base qui surviennent dans cette couche terrestre doivent être révisées.

Les mêmes analyses ont révélé un aspect qui remet partiellement en cause l’une des principales théories expliquant la formation des gabbros dans la croûte océanique profonde. Ainsi, les chercheurs ont découvert de l’olivine, un autre minéral du groupe des silicates de magnésium. L’olivine est connue en gemmologie sous le nom de péridot, car elle forme de délicats cristaux lorsqu’elle se cristallise (on en trouve dans des inclusions à la surface de la planète). Cependant, comme l’orthopyroxène, sa présence dans les carottes analysées était inattendue.

En effet, selon les modèles admis, la séparation des plaques tectoniques au niveau des dorsales médio-océaniques serait de nature à déformer le magma qui est assez ductile à la profondeur considérée, ce qui doit entraîner une rupture des cristaux d’olivine. Visiblement, certains points seront ici aussi à revoir. Les auteurs ont tout de même précisé que leurs résultats ne reposaient que sur des observations réalisées en un seul et unique point du globe. Il serait bon de les confirmer sur d’autres sites grâce à la réalisation de forages complémentaires. En attendant, on se doute que des scientifiques travaillent déjà sur de nouvelles théories pouvant expliquer ces découvertes inattendues.

 OceanLeadership  8/10/2013 : Ce que font les "explorateurs / chercheurs" des mers...




futura sciences 8/12/2013

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