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Pourquoi le loup dérange ou fait peur ?

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Jamais l'homme n'aurait eu peur du loup s'il n'avait changé progressivement, au départ du néolithique, son mode de vie naturel. En tant que chasseur, l'homme prenait le loup en exemple, comme en témoigne les peintures qu'arborent encore les murs de certaines cavernes. Mais lorsqu'il abandonne ses activités de nomade et commence à "s'approprier " es troupeaux et transformer les proies en bétail, l'homme va peu à peu s'éloigner du loup qui devient "nuisible" à son activité.

Normal, le loup est un gardien du monde sauvage. Le concept de "propriété" est sans doute plus facile à faire admettre à un marxiste qu'à un loup. Dès lors, il devient un rival à éliminer. Pour ce faire, les plus grandes légitimations et infamies sont déployées. D'où la mauvaise réputation progressive du loup... Puis, la peur !

Alors, les caractéristiques biologiques de l'animal ont pris le relais pour accréditer l'idée du danger. Les plus grands hommes s'y sont fait prendre et leurs écrits, non contents d'en témoigner, ont répandu les plus fausses croyances.

Au sommet de la pyramide alimentaire, pour gérer l’équilibre naturel, on trouve les plus grands prédateurs, parfois appelés super-prédateurs. Parmi eux, entre autres, le tigre, le lynx, l’ours, le lion, le loup,… et l’homme ! Tous en danger ou carrément en voie d’extinction, sauf un : l’homme. Bien souvent, remplis de bonnes intentions, des écologistes, naturalistes et autres partent, de bonne foi, donner des leçons aux peuples d’Afrique, d’Asie ou d’ailleurs. Ceux-là même hésiteraient davantage avant d’ouvrir les portes de leurs paisibles territoires au loup. Mais l’Europe qui reproche à toute la planète ses grands félins ou ses éléphants ne voit pas le loup qu’elle a dans l’œil.

La peur du loup commence par cette domination que l'homme a voulu installer entre lui et les autres super-prédateurs.

Bien qu’elle dure toujours, la rivalité entre ces deux super-prédateurs que sont l’homme et le loup est ancestrale. Beaucoup de peuples ont eu un grand respect pour le loup et d’autres une grande haine, mais tous, à un moment ou à un autre, l’ont pris en exemple. Nos ancêtres lointains, nomades, qui vivaient et chassaient en petites bandes, n’étaient pas tellement différents des loups.

Plusieurs types de relations ont donc pu s’installer. Le loup est un chasseur hors pair dont l’homme a souvent fait un modèle, mais aussi un rival lorsqu’ils convoitaient la même proie. Il est même fréquemment arrivé que loup et homme chassent ensemble, chacun faisant valoir ses meilleures qualités. Parfois, le loup flaire et traque une proie que l’homme abattra plus aisément. En contrepartie, les loups mangeront les restes. Ceux-là, qui ont vendu leur liberté, deviendront nos chiens !

La rivalité a été très bien vécue pendant des milliers d'années. Elle est devenue pour l'homme intolérable lorsqu'il a décidé de "stocker" ses proies puis d'en faire l'élevage. Là, le loup, gardien d'une nature libre et sauvage, est devenu un ennemi car, en s'attaquant à un troupeau domestiqué, il convoitait désormais une "propriété privée". A partir de là, pouvait naître la mauvaise réputation du loup, suivie des plus sombres histoires. Au départ de la peur : la haine.

Bien moins gros que les légendes ont pu le laisser entendre, le loup pèse tout de même entre 15 et 45 kilos en Eurasie et entre 25 et 65 kilos en Amérique. En fait, Canis lupus arctos atteint le poids de 65, voire 80 kilos, tandis que Canis lupus arabs (en Arabie) ne pèse que 14 à 25 kilos. Le record a été enregistré en Amérique par un loup de 101 kilos qui venait, sans doute, de se gorger de chair. Rien d’extraordinaire quand on sait qu’un loup, capable de jeûner plus de deux semaines, peut alors ingurgiter près d’une vingtaine de kilos de viande. Cette capacité lui est nécessaire car il ne sait quand il pourra manger à nouveau. C’est aussi pour cette raison que le loup ne laisse pas de restes.

Chose qui effraye l’homme occidental lorsqu’il retrouve une carcasse soigneusement dépouillée et qu’il attribue parfois à de la cruauté, mais qui, à l’inverse, est interprétée comme une marque de respect par d’autres hommes, tels les Indiens, par exemple, qui vivent en harmonie avec la nature et font de même pour chaque proie tuée. Le loup, au contraire de l’homme, ne tue pas les plus belles proies et ne choisit pas les plus beaux morceaux de viande. Il assume son rôle dans la sélection naturelle et l’évolution en tuant un minimum et toujours les proies les moins aptes à survivre.

Les attributs du loup peuvent parfois accentuer la peur que l'on a de lui. Ses canines, par exemple, sont longues de 4 centimètres. Quant à sa taille, le loup mesure, de 60 à 90 centimètres au garrot, et est long de 110 à 155 centimètres à l’exclusion de la queue qui ira de trente à cinquante centimètres. On notera généralement une corpulence sensiblement plus importante pour le loup d’Amérique et plus particulièrement dans le Grand Nord, où il fait plus froid. De la même façon, son pelage est également lié à son environnement. Par une sorte de mimétisme, le loup est blanc dans la neige, gris-beige ou sombre dans les forêts et les campagnes eurasiennes, ou encore roux dans les zones désertiques d’Amérique. Sa capacité de dissimulation fait peur et sa discrétion sera, elle aussi, retournée contre lui. Le loup tend des embuscades car il est insidieux, fourbe et malin, disait-on.

Les crocs de ce formidable carnassier ne sont bien sûr pas pour rien dans sa réputation sanguinaire. Candace Savage prend pour départ de son étude la gueule de l’animal et distingue trois caractéristiques remarquables quant à ses dents. En premier lieu, leur nombre : 42, réparties comme celles de l’être humain. Deuxième caractéristique : les canines, véritables lames de canif, capables de percer la peau et le pelage d’un bœuf musqué ou de s’agripper au museau d’un orignal malgré la résistance de l’animal. Enfin : la rangée de molaires acérées plantées dans l’arrière de la gueule, qui servent à déchiqueter et qui expliquent, en partie, pourquoi la lignée moderne des carnivores est parvenue à survivre. (SAVAGE, 1996, 31).

Les attributs du loup peuvent parfois accentuer la peur que l'on a de lui. Ses canines, par exemple, sont longues de 4 centimètres. Ph.: D. J. Cox


Parmi les armes les plus redoutables du loup, on ne peut manquer de citer son flair, 80 fois plus fin que celui de l’homme qui lui permet de reconnaître une proie à plusieurs kilomètres. De ces odeurs, il peut tirer des données précises comme l’âge et le sexe de l’animal, ou la distance et le temps écoulé depuis son passage. On parle d’une véritable carte mentale de son territoire que le loup se dresse pour relever les lieux où la chasse est la meilleure. Pour garder des repères, il arrosera régulièrement d’urine les carrefours de ses passages, marquant ainsi son territoire.

Les plus grands penseurs ont contribué à forger des croyances qu’ils présentèrent sous forme de connaissances dans leur traité. Platon en premier, repris plus tard par Aristote puis par Pline, disait de se méfier du regard malfaisant du loup, qui jette des éclairs et paralyse. En fait, le loup peut voir dans la nuit et possède, dans l’obscurité, des yeux phosphorescents semblables à ceux du chat. Aristote croyait ses vertèbres cervicales soudées. (CARBONE, 1991, 56). Hérodote, au Ve siècle av. J.-C., fait mention de phénomènes de .lycantropie (transformation des hommes en loups), et jusqu’au XVIIe, des gens soupçonnés seront condamnés à mort en Europe. (CARBONE, 1991, 91).

Mais l’un des plus grands atouts du loup, c’est son aptitude à la course, et, plus particulièrement, son endurance. «Le loup se fait loup par les pattes», selon un proverbe russe. Effectivement, le loup voyage énormément en quête de proies. Il peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres en quelques jours. L’un des problèmes qu’il pose à l’homme est d’ailleurs le principe de frontières qu’il ignore totalement. Il possède aussi une pointe de vitesse impressionnante et soutenue : il peut courir à 65 kilomètres à l’heure pendant cinq à dix minutes, épuisant ainsi quelquefois les ongulés qu’il pourchasse.

Des informations erronées, des ragots ont propagé la peur du loup !


Platon et Aristote hurlaient déjà au loup sans le connaître. Ph.: H. Westerling

«Le loup est un animal terrible. Sa morsure est venimeuse parce qu’il se nourrit volontiers de crapauds. L’herbe ne repousse plus là où il est passé.» (cité par CARBONE, 1991, 14). Cette déclaration de Barthélemy l’Anglais, n’avait rien de marginal au VIIe siècle. Bien au contraire, elle reflète ce que les auteurs d’histoire naturelle et tous croient. C’est à peu près ce que tous les bestiaires du Moyen-Age considèrent communément. Le «bestiaire d’Oxford» constitue un bon exemple de cette diffusion mensongère ou, tout du moins, purement fictive.

Plus tard, sous Louis XIV, un stratège proposera à son roi un plan de conquête de l’Angleterre comme suit : «Un loup mange un homme en deux jours, débarquez dix-mille loups Outre-Manche, en quelque temps, il n’y aura plus un seul Anglais.» (CARBONE, 1991, 16). Henry III, en 1583, s’inquiète du sort de ses «sujets habitant des villages et plat pays» car on parle d’une race pervertie préférant le berger au troupeau et la tendre chair d’enfant à toute autre. A divers endroits durant le XIVe siècle, les récits coïncident étrangement à propos de disparitions de jeunes filles.

«Méfiez-vous de l’homme aux sourcils barrant le front. A ce signe, vous reconnaîtrez un garou !» (cité par CARBONE, 1991, 95). Peter Stumb qui, sous cette forme, tua et dévora treize enfants, fut condamné par le tribunal de Cologne - plus pour son pacte avec le démon que pour homicide et cannibalisme - aux supplice des tenailles et de la roue, à la décapitation et au bûcher. Le cas n’est pas exceptionnel au cours du XVIe siècle. En France, en Allemagne, en Suisse, et ailleurs, les bûchers flambent.

Jusque-là, régnait en fait une grande confusion sur l’identité du loup puisque l’animal comptait quasiment autant de noms que d’auteurs pour en parler, la plupart désignant même plusieurs espèces. On attribuait donc chaque méfait à qui l’on voulait bien, selon les stéréotypes ambiants. Nul doute que le loup serait volontiers désigné comme bouc émissaire. Dans le doute, il en va encore ainsi aujourd’hui.

Au XVIIIe, la confusion sera quelque peu éclaircie par Linné. Désormais, les scientifiques l’appelleront «Canis Lupus», comme pour chaque espèce, un nom latin composé de deux mots, le premier désignant le genre, le second, l’espèce. Cette reconnaissance de la science n'est encore que le point de départ d'une véritable connaissance. Du chemin reste à parcourir.


----->Voilà un écrit destiné à rétablir quelques vérités... sur le loup et l'origine des peurs "infondées" à son encontre ! Sujet uUn peu long mais instructif et qui m'a permis de comprendre l'origine de certaines de mes peurs. J'espère qu'il en sera de même pour vous... Et souhaite par dessous que ce sujet aide à mieux comprendre pourquoi certains ont "peur" du retour du loup!...




Loup.org La peur février 2013

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Tenter d’interroger des enfants dès la maternelle et même dans une région où l’on a plus vu de loup depuis plus d’une centaine d’années est une expérience édifiante et pourtant véridique. On peut très vite constater qu’un enfant de cinq ans a déjà une représentation du loup solidement ancrée dans son esprit. Tous, pratiquement, pensent que le loup est un animal méchant, qui mange l’homme et particulièrement, eux, les petits enfants.

Une petite fille, seulement, dit timidement et avec beaucoup de réserve : «Ma maman a dit que les loups n’attaquaient pas s’ils n’étaient pas attaqués avant, sauf s’ils ont très faim.»

Quoique exceptionnel et remarquable, au vu du reste de la classe, ceci n’est que partiellement vrai. Même affamé, le loup préférera manger des poissons, des petits rongeurs, voire même des fruits. De toute façon, il ne reconnaît pas l'homme comme proie. Pourtant, au coeur de notre culture, notre littérature, notre langue même, tout laisse à penser que le loup est un animal cruel et sanguinaire, particulièrement à l'égard des petits enfants. Attention : le loup n'est qu'un symbole !

La peur, incontestablement, est installée dès la plus tendre enfance. Elle possède donc un ancrage des plus solides. Dans une vie, l’influence des premières lectures, bien souvent faites, et donc créditées dans les esprits enfantins, par les parents, est partout reconnue. C’est d’ailleurs pourquoi celles-ci se voient truffées de morales simples pour les enfants. Quoi de plus marquant que son premier livre, sa première histoire ? On se souviendra toujours du petit chaperon rouge, ou alors, et c’est pire, il est juste rangé, pas loin, dans notre inconscient, comme toutes ces choses que l’on a apprises et que l’on croit avoir tout à fait oubliées.

Il est à mettre en évidence quelque chose de préalable à ce conditionnement anti-loup. Contes et légendes ne suffisent pas à expliquer les conceptions de l’homme vis-à-vis de l’animal, et, de la même façon, leur efficacité culturelle doit être mise sur le compte d’une prédisposition psychologique.

Les spécialistes de la psychologie humaine, qui s’intéressent beaucoup au sujet, ont mis en évidence la présence dans notre inconscient d’un autre loup, imaginaire celui-là, qui hante notre esprit de souvenirs et qu’il faut éliminer. C’est pourquoi l’on peut presque parler de psychose. S’agit-il des restes du temps où l’homme, jeune, n’avait pas encore dompté la nature et se sentait trop vulnérable? Ou alors, serait-ce simplement le fruit des multiples légitimations développées par l’homme qui a tué un loup? Ou encore le résultat des diffamations de celui qui a vu son frère mourir sous les crocs d'un loup au terme d’une agression échouée ? Telles sont les questions qu’ils se posent.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, cela fait bien longtemps que le loup ne représente plus un danger pour l’homme. On n’a pas recensé une seule attaque volontaire d’un loup en bonne santé contre l’homme durant tout le XXe siècle, c’est-à-dire depuis qu’il y a de véritables spécialistes de leur comportement. Les régions où la peur subsiste encore sont justement celles où le loup a disparu depuis bien longtemps. Les autres qui sont confrontées à l’animal n’ont à son encontre que des objections matérielles à formuler, somme toute assez maigres face aux réticences.

Et si ce n’est pas "Le petit chaperon rouge", ce sera "Pierre et le loup", "Les trois petits cochons", "La chèvre de Monsieur Seguin", "Les fables de La Fontaine", ou autres histoires d’ogres dans des forêts sombres et dangereuses, jusqu’au loup de Tex Avery. Dans la littérature, le cinéma, la poésie («Les loups» de Verlaine), ou la chanson («Les loups sont entrés dans Paris» de Serge Reggiani mais surtout «Qui a peur du grand méchant loup ?»), le symbole a été très largement exploité, à des fins intéressées, comme dans le cas de l’Eglise, et cela bien avant Perrault et jusqu’à Hollywood. Mais ce qu’il convient de remarquer, c’est que les auteurs de ces fabulations et autres récits partagent tous cette caractéristique essentielle qu’ils n’ont jamais véritablement côtoyé l’animal.

La place du loup dans la langue française n’est pas des plus enviables. A elle seule, elle ramasse la plupart des croyances les plus fausses et les plus terribles sur le loup. Et si le langage préfigure la pensée comme l’affirmaient Noam Chomsky et autres linguistes, l’origine de la peur et de la haine envers le loup ne doit pas être cherchée bien loin. Le loup, on en parle avant même de savoir ce que c’est. Mais, quand on parle du loup… Voici quelques expressions :

- On en voit la queue, Crier au loup, Etre jeté aux loups, Avoir une faim de loup, Marcher à la queue leu leu, Se jeter dans la gueule du loup, Un loup déguisé en mouton, Marcher à pas de loup, Manger avec les loups, Entre chien et loup, Avoir vu le loup, Pays de loup

Et encore :

- La faim fait sortir le loup du bois, L’homme est un loup pour l’homme, En fuyant le loup, on rencontre la louve, Il n’y a pas de méchant lièvre ni de petit loup, Les loups ne se mangent pas entre eux, Nourris un louveteau, il te dévorera, Le loup emporte le veau du pauvre, Qui se fait brebis, le loup le mange....

Les contes de fées et psychanalyse

Les contes de fées ont joué, dans notre enfance à tous, un rôle primordial. Ils nous ont charmé et, par la même occasion, ont eu une influence profonde sur nos premières représentations du monde et de nous-même. Ainsi, Charles Dickens n’hésite pas à leur attribuer une part de son génie créateur et à leur rendre hommage en ces termes : «le petit chaperon rouge a été mon premier amour. Je sens que si j’avais pu l’épouser, j’aurais connu le parfait bonheur». Selon Bettelheim, héritier Freudien, «l’imagerie des contes de fées, mieux que tout au monde, aide l’enfant à accomplir sa tâche la plus difficile, qui est aussi la plus importante : parvenir à une conscience plus mûre afin de mettre de l’ordre dans les pressions chaotiques de son inconscient». (Bettelheim, 1976, 39).

De même, Marie-Louise von Franz, disciple de Jung, voit dans les contes de fées une représentation de l’inconscient : «Les contes de fées expriment de façon extrêmement sobre et directe les processus psychiques de l’inconscient collectif». (von Franz, 1990, 11). Cet inconscient collectif constitue un fond commun à l’humanité tout entière. Par opposition à l’inconscient personnel qui contient les souvenirs subliminaux, oubliés ou refoulés d’un individu, l’inconscient collectif se forme d’éléments propres à tous les hommes.

Si les psychanalystes s’accordent sur l’intérêt et l’importance des contes de fées aussi bien dans leurs études que dans les esprits humains, ils divergent dans leurs méthodes d’interprétation. En ce qui concerne le loup, les héritiers Freudiens et Jungiens semblent se rejoindre pour attribuer au loup des contes de fées les pulsions dites «animales» c’est-à-dire dévorantes et sexuelles, ainsi que des instincts primaires tels que la colère, la cruauté, la jalousie… L’analyse Freudienne assimilera le symbole du loup au «ça». Jung, quant à lui, y verra une image archétypale : «l’ombre et le mal». Dans les deux cas, il s’agit d’une part de l’homme refoulée, celle qui, liée au corps, justement, s’oppose à la raison, ou plutôt au culte de la rationalité, tel que pratiqué dans nos sociétés occidentales.

Jung et Freud vont se rejoindre de façon décisive dans le cas qui nous occupe sur la notion de colère, puisque l’on évoque souvent la «colère des éleveurs» face au loup. «Se mettre en colère correspond toujours à un abaissement de conscience, sorte de saut dans des réactions primitives ou même animales. (…) Toutes les pulsions obscures ne se prêtent pas à la rédemption. Certaines, saturées de mal, ne peuvent être laissées libres d’agir et doivent être sévèrement réprimées. (…) Il existe des germes mortels qui peuvent détruire l’être humain et auxquels il est nécessaire de résister ; il faut, de temps à autre, agir durement et ne pas accepter tout ce qui monte de l’inconscient.» (von Franz, 1990, 160).



Peur février 2013

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"Avoir peur du loup est quelque chose de tout à fait normal dans la société qui est la nôtre", rassure Pierre Mannoni, professeur de psychologie à l'université de Nice et auteur de "La Peur". Mais surtout, la peur n’est pas qu’un avatar de l’esprit humain. Elle possède plus d’une fonction essentielle, tant à notre organisme qu’à nos sociétés. D'ailleurs, son omniprésence dans l’espace et dans le temps en témoigne : il n’y a pas de société - pas plus que d’homme - sans peur. Il est donc normal et, le plus souvent, sain d'avoir peur. Quant au loup, il est une figure quasi universelle de nos inconscients. Ainsi, les mécanismes de la peur, démontés un à un, mènent tous étrangement à la peur du loup.

Face à une menace ou à quoi que ce soit ressenti comme tel, des stimuli génèrent dans les organismes animaux la peur, à laquelle ceux-ci répondent soit par un comportement d’agressivité, soit par la fuite. Il est intéressant de constater que, malgré l’usage que l’on fait du concept, l’agression ne relève donc pas moins de la peur que la fuite ou la soumission. Il est donc paradoxal d’entendre un chasseur ou un agresseur quelconque affirmer qu’il n’a pas peur du loup.

D’un point de vue physiologique, la peur se traduit le plus couramment par une augmentation du rythme cardiaque, des sueurs, un sursaut… Mais elle peut aussi causer des tremblements, des pertes de conscience, ou de la parole… Ce dernier symptôme de la peur peut peut-être enfin expliquer cette croyance platonicienne qui veut que le loup puisse faire perdre l’usage de la voix, voire paralyser dans certains cas.


Avoir peur du loup est appris aux enfants dès leur plus jeune âge. Souvent, la peur est plus intense dans les régions où le loup a été éradiqué. Photo: H. Westerling


La peur est donc présente chez tous les hommes, à des degrés divers, relatifs à l’émotivité ou l’anxiété. Elle apparaît très tôt chez l’enfant, bien que celui-ci naisse avec un seuil de tolérance plus élevé.

La première peur, c’est le désir du nourrisson pour sa maman : la peur de la perte de celle-ci dès qu’elle s’éloigne. De cela découle la peur de l’étranger, de l’inconnu qui atteint son paroxysme avec «l’angoisse du huitième mois». A deux ans et demi ou trois ans, apparaît la peur de l’obscurité. Cette dernière réalise le passage de la psychologie individuelle à la mentalité collective puisqu’elle témoigne en réalité des résidus de l’effroi causé par les ténèbres chez les premiers hommes. «Que la nuit soit inquiétante, tous les groupes humains en ont effectivement fait l’expérience, et ce, depuis les temps les plus reculés. Songeons à l’effroi qui devait accompagner la tombée du jour pour les hommes des premiers âges, blottis les uns contre les autres au fond de quelque grotte, et rendus aveugles pour quelques heures aux périls ambiants et à l’approche des fauves. Les ténèbres peuvent donc receler des dangers objectifs dont les terreurs nocturnes évoquées ci-dessus prennent le relais en subjectivant les risques. Dans un cas comme dans l’autre, on a une peur «dans» l’obscurité qui s’élabore peu à peu en peur "de"» l’obscurité…». (MANNONI, 1988, 20). Il y a donc un déplacement métonymique de la peur qui, sans doute, l’a menée au loup.

Deux facteurs font que l’homme est particulièrement en proie à cette peur de l’obscurité. Tout d’abord, l’homme est démuni (ni vue, ni odorat, ni ouïe bien développés en comparaison des autres mammifères). Ensuite, ceci expliquant peut-être cela, l’homme possède une puissante imagination. Cet imaginaire possède également de graves défauts : «A la limite, il n’est plus besoin d’un substrat perceptif quelconque, l’esprit trouve en lui-même des ressources suffisantes et les fictions qu’il enfante ne s’enracinent pas nécessairement dans le réel.» (MANNONI, 1988, 21).

Une seconde grande peur collective est la peur des manifestations et des corps célestes (ce qui fera du ciel le séjour des dieux) : orage, grêle, tornade, tempête, inondation, sécheresse, mais aussi, astres, comètes, éclipses… La lune, par exemple, sera l’objet d’une véritable fascination, voire de cultes. Elle aussi sera associée au loup que l’on croit volontiers entendre hurler à la lune, quand ce n’est pas pour l'imaginer se transformer en loup-garou.

Viennent ensuite les peurs issues de menaces récurrentes telles que famines, guerres, épidémies, invasions, révoltes, vagabonds, brigands… Si celles-ci semblent bien combattues par les progrès techniques, elles ont en fait cédé le pas à la pollution des océans et de l’air, la disparition des forêts, l’empoisonnement chimique des cultures, les déficiences sanitaires de l’élevage extensif, les catastrophes nucléaires…

En réalité, toutes les peurs tournent autour d’une peur unique : la peur de la mort. Il en va de même pour les peurs du surnaturel. La contagiosité de la mort est ainsi une vieille croyance qui voit revenir les défunts sous des formes très diverses. Aussi, les morts sont vengeurs. Cela trahit, selon Freud, une culpabilité qui s’explique par le fait que «la mort du parent a procuré satisfaction à un désir inconscient.» (MANNONI, 1988, 33). Ceci pourrait également expliquer les privations et les souffrances volontaires liées au deuil, ainsi que la pesanteur de nos pierres tombales et la profondeur de nos fosses. L’enfouissement dans la terre est alors révélation du refoulement dans les têtes. Restent alors parmi les peurs du surnaturel, les peurs de la fin du monde qui résonnent comme le jugement dernier d’un dieu vengeur qui s’associe à la menace satanique pour causer le tourment des hommes.

Pourtant, «même lorsque les agents de la peur ont les pieds sur terre, le danger qu’ils véhiculent est, très souvent, rapporté à une volonté divine ou à un pouvoir démoniaque. On peut dire sans crainte d’exagérer que, pour une bonne part, l’univers de la peur sent le soufre.» (MANNONI, 1988, 30). Incontestablement, c’est le cas du loup,fréquemment assimilé au diable en personne.

Faire peur pour avoir moins peur soi-même. La menace est un comportement de peur à part entière. De la fourrure qui se dresse pour effrayer, il ne nous reste que la chair de poule.
Ph.: www.fantasy.apinc.org


L’éthologie va nous permettre de mieux comprendre cette peur en la définissant comme un comportement normal préétabli à des fins tout à fait utiles. Tout d’abord, «l’état d’alerte» et «la vigilance de base» sont liés à un sentiment quasi permanent d’insécurité dans un environnement qui, s’il n’est pas objectivement menaçant, est toujours inquiétant puisqu’il est source de subsistance.

Sur ce plan, l’intérêt des hommes pour l’écologie est, en majorité, égoïste. En Belgique, les «verts» savent très bien qu’ils doivent leur place au gouvernement à la crise de la dioxine qui a précédé de peu les élections. L’innéité de la peur devient quant à elle évidente lorsque l’on tente de faire marcher un bébé sur une plaque de verre au-dessus du vide. Celui-ci ne s’y aventure pas malgré qu’il n’ait jamais fait l’expérience de la chute. Ce qui mène à penser qu’il existe peut-être également une prédisposition innée à la peur du loup.

Un deuxième phénomène hautement intéressant mis en évidence par l’éthologie, est le «besoin de sécurité». «Tous les êtres aspirent à la quiétude et au repos, états de relâchement des tensions, dont le point culminant est le sommeil.» (MANNONI, 1988, 55). Malgré tout, même dans le sommeil, l’homme ne trouve pas toujours de repos complet et le sentiment d’insécurité persiste. C’est ce que nous révèle la capacité de réveil en sursaut. Toutefois, ce sentiment d’insécurité peut être satisfait par le contact social. [b]Dans l’isolement, l’anxiété de base se trouve renforcée[/b].

A partir de là, on peut imaginer que des sociétés de plus en plus individualistes, telles que les sociétés occidentales, ne peuvent qu’être d’autant plus sujettes à l’effroi lorsqu’on agite l’épouvantail de l’insécurité, sous quelque forme que ce soit. La peur se vend bien ; les politiciens le savent, au même titre que la télévision, les vendeurs d’armes, etc. Privé de l’apaisement du contact social, Mannoni rappelle que l’individu peut subir des troubles divers tel que «marasme physiologique et psychologique», «perturbation des relations interpersonnelles», «désordres de l’agressivité, de la sexualité», ainsi que d’autres grandes fonctions… Quant aux forces de l’ordre, elles inquiètent autant qu’elles rassurent, puisqu’elles témoignent insidieusement de la présence de criminels.

Troisième comportement relatif à la peur : la menace. L’animal (homme inclus) qui a peur cherche à se rendre menaçant comme pour surcompenser sa propre peur par celle de l’autre. Ainsi, se fait-il plus grand et plus volumineux en hérissant, par exemple, sa fourrure - l’homme, faute de fourrure, n’a plus que la chair de poule. Ceci a pour but de donner un avantage psychologique sur l’adversaire. C’est ainsi que commence toute guerre, même la plus petite. La menace est un bluff, une procédure de maîtrise de la peur. Il s’agit de faire peur pour avoir moins peur soi-même.

Un dernier comportement mis en lumière par l’éthologie doit nous permettre de bien comprendre la peur : le «schème ennemi». Il s’agit d’une méfiance toute particulière et innée envers les étrangers. L’enfant la manifeste également avant même d’avoir fait d’expérience désagréable des inconnus. Le malaise, voire le rejet, sont spontanés et naturels vis-à-vis de l’inconnu, assimilé à un ennemi. A partir de là , «l’agressivité de défense» peut voir un individu passer à l’attaque sous la seule influence de la peur. Etat d’alerte et vigilance de base, besoin de sécurité, comportement de menace, schème ennemi, agressivité de défense, sont autant de manières pour la peur d’influer sur le comportement. S’ils s’avèrent très utiles, ils peuvent parfois dériver vers de graves perturbations, comme la destruction de l'objet phobogène, qu'il s'agisse des chrétiens, des juifs... ou des loups.

Des stimulations exagérées peuvent provoquer des réponses amplifiées, voire excessives. Certains éléments peuvent activer particulièrement la peur : la couleur rouge, les casques de guerre à pointes, les cris et les percussions au combat… Les cris et les hurlements sont donc selon Mannoni un facteur de peur excessive. Le hurlement du loup doit donc, sans doute, être considéré comme à l’origine, entre autres, de la peur abusive vis-à-vis de ce dernier. A côté de la «surstimulation», d’autres voies peuvent mener à des peurs outrancières, voire à de véritables pathologies, et ce pour une collectivité entière parfois.




La peur février 2013

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Quoi qu’il en soit, l’objet phobogène (qui provoque une phobie) passe du domaine de la réalité objective à celui des valeurs symboliques. Il prend place dans une imagerie mentale souvent effrayante. La peur est donc d’autant plus intense que l’on a de l’imagination.


La peur du loup, c'est la sienne. Finalement, le loup ne serait qu'un bouc émissaire. Symbole du mal, il offre à l'homme qui le hait et le détruit d'échapper à la colère divine. Ph.: B. Moriamé


C’est le revers de la médaille pour l’homme, qui en est relativement bien doté. Parmi les fantasmes très archaïques, celui de la dévoration est récurrent. Ces productions imaginaires serviraient à une réalisation symbolique d’un désir inconscient. Le loup, symbole du «ça» ou de l’ «ombre» dans les contes et dans l’imagerie mentale, permettrait donc à celui qui l’imagine de réaliser virtuellement les pulsions qu’il est contraint de refouler. Le loup serait alors un «défouloir», c’est-à-dire un bouc émissaire.

Une typologie des peurs a été tentée par Mannoni. Celui-ci distingue avant tout les «peurs sacrées» - les dieux sont fils de la peur – des «peurs profanes», relatives à tout ce qui est nouveau et, donc, inquiétant. Les peurs sacrées sont issues d’un sentiment généralisé de culpabilité à l’égard des dieux. La peur de la colère des dieux a justifié nombre de sacrifices et bien au-delà des autels. Ni la pitié, ni l’innocence éventuelle des victimes ne pouvaient résister à la fureur collective.

Les peurs ont tellement été relayées et nourries par la rumeur qu'elles semblent, aujourd'hui, bien éloignées de la réalité. Photo : IWFEA

Pour exorciser la culpabilité et la peur de la sentence divine, les boucs émissaires se sont succédé, bien avant et bien après l’Inquisition : les Turcs, les Juifs, les hérétiques, les femmes, les sorcières… C’est également le cas du loup, affublé de traits sataniques au Moyen Âge. «Cette réparation de l’angoisse collective s’accomplit d’ordinaire par la désignation d’un bouc émissaire. Son expulsion, son exécution symbolique ou effective massivement pratiquée amène la résolution de l’état de tension. »(MANNONI, 1988, 120).

Ainsi, l’éternel retour de la rumeur sur un même objet peut être considéré comme le révélateur de la présence d’un bouc émissaire : «Toutes les sociétés vivent leurs grandes crises comme des punitions : il faut alors chercher des boucs émissaires chargés inconsciemment des péchés de la collectivité. D’autre part, face à une crise inexplicable, désigner un coupable, c’est trouver la cause du mal, donc effectuer un pas vers sa résorption. Les coupables potentiels sont toujours les mêmes : les étrangers, les mal intégrés dans la collectivité, ceux qui n’en partagent pas les croyances.» (KAPFERRER, 1987, 144).

Les peurs profanes, quant à elles émergent de ce que «le psychisme humain semble prédisposé à s’émouvoir dès qu’un objet étrange ou nouveau fait irruption dans son champ de conscience.» (MANNONI, 1988, 95). Parmi elles, certaines peurs se retrouvent à tous les âges. [colot=darkred]C’est le cas de la peur permanente attachée à l’insécurité matérielle, de la peur des ténèbres, du noir et de la nuit, ou de la peur de fin du monde, actuellement sous la forme de la peur de l’arme nucléaire.[/color]

A ce titre, il est bon de rappeler que l’exploitation de la peur d’un groupe de gens à des fins intéressées ne relève ni plus ni moins que du terrorisme.{/b]

D’autres peurs n’ont pas survécu, mais la plupart ont persisté sous des formes nouvelles, moyennant certaines adaptations. [b]Ainsi, la relève des sorciers ou des revenants est-elle assurée par la peur d’hypothétiques extraterrestres.
Si la peur se porte bien, c’est surtout grâce à la science...

C’est son paradoxe : alors qu’elle espérait rationaliser les gens et résorber leur peur, elle en est désormais la source. La radioactivité et les déchets de l’énergie nucléaire, les pollutions chimiques, la désertification, la couche d’ozone, la démographie galopante, les O.G.M., le clonage, l’informatisation de la société… A ce stade, il est intéressant de constater que, pour la plupart, ces nouvelles peurs sont bien légitimes...

La diffusion des peurs de masse connaît, selon Mannoni, trois principales formes : les rumeurs, les «contagions» et les psychoses collectives.

- «Qui dit rumeur dit peur», décèle J. Delumeau. (cité par MANNONI, 1988, 102). Il y aurait deux conditions pour voir naître une rumeur : qu’il s’agisse d’un événement important (qu’il fasse peur serait idéal) et que l’information soit ambiguë. En fait, la majorité des rumeurs se forment d’une inquiétude latente.

- Les «contagions» sont des phénomènes bien plus étranges où les individus d’un univers clos ou semi-clos sont très vite contaminés comme par une maladie contagieuse. Elles ne sont pas très éloignées des psychoses collectives. Ces dernières, sont légion dans l’histoire et ont causé exodes de populations entières, massacres, panique des armées, génocides (celui du loup, y compris). Les médias seraient en partie responsables de ces psychoses. Les puissants moyens modernes de communication de masse et de diffusion de l’information jouent, comme on s’en doute, un rôle déterminant dans la mise en circulation de nouvelles mal contrôlées.

A partir de là, la présence inaliénable de la peur partout et tout le temps au cœur des corps sociaux mène à penser, ainsi que le suggère P. Mannoni, qu’elle joue un rôle essentiel dans la vie de toute société. Les peurs auraient un sens et répondraient à un besoin. Les peurs permettent par exemple à une société de se connaître elle-même. Elles renseignent le groupe sur les contenus latents de ses productions imaginaires.

Les dirigeants politiques et autres décideurs devraient donc en tenir compte, sans pour autant les retourner à leur avantage. De la même façon, la peur peut révéler les lacunes ou les excès du pouvoir politique, de même que beaucoup d’autres abus. La peur est, selon Mannoni, un sérieux indice de la santé institutionnelle.

De plus, la peur commune à un groupe d’individus possède un très fort pouvoir mobilisateur. Elle lui confère un véritable dynamisme. Elle est un «état communiel : l’émotion partagée témoigne fortement de la présence des autres, de semblables, qui connaissent et redoutent les mêmes choses. (…) Tout le monde a peur et, même si certains ont plus peur que d’autres, le fait d’avoir peur ensemble prend un double sens : la solitude se trouve réduite tandis que les liens d’amitié et de solidarité dans le groupe sont augmentés en proportion inverse. Il s’agit au fond d’une communion émotionnelle » (MANNONI, 1988, 114-115).


La peur février 2013

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Au XXIème siècle, on s’aperçoit avec horreur d’un échec important dans l’entreprise humaine : on n’a pas pu éradiquer la peur ! Tous les espoirs, jusqu’ici reposés sur la science, s’effondrent peu à peu. Il est courant d’entendre que, si les peurs changent, la peur reste !

Celle-ci ne se porte plus aujourd'hui sur des éléments naturels, mais bien sur les entreprises par lesquelles l'homme s'est dressé contre l'Ordre de la Nature. C'est pourquoi, afin de remédier à ces peurs tout à fait rationnelles, des mesures commencent timidement à être prises au niveau international.

C'est bien là que se rejoignent les anciennes et les nouvelles peurs : le monde sauvage, jusqu'alors terrifiant, apparaît comme fragile. Le loup dont on a voulu à tout prix se protéger pendant des centaines d'années devient une espèce à protéger pour sauvegarder les équilibres naturels et la bio-diversité.

[b]Pendant ce temps, à en croire les spécialistes la peur du loup perdure dans nos inconscients. De son côté la rumeur, alimentée et relayée par les médias, utilise et entretient les peurs. Jusqu'où?[/b]

Avant le XXIème siècle (celui-ci étant marqué par l’épouvante des guerres), la plupart des malheurs des hommes, et donc leurs peurs, étaient dus aux caprices de la nature : modifications climatiques, raréfaction des proies ou des récoltes, vulnérabilité vis-à-vis de la faune, épidémies… L’homme a voulu se débarrasser de sa peur quotidienne. Mais au XXIème siècle, la peur a-t-elle disparu ?

Les peurs et menaces nouvelles concernent aujourd’hui un enjeu beaucoup plus universel : pas seulement l’écologie, mais aussi l’homme et la Nature au plus profond d’eux-même ! Si auparavant la peur avait pour objet la vie d’hommes, elle se porte de nos jours sur la vie «des» hommes ou de l’Homme. Les dérèglements de la Nature nous concernent tous. Pas un homme n’échappe aux lois de la Nature. Pas un être vivant !

La Nature est une entreprise universelle dont nous faisons tous partie !

Pollution de l’air, des mers (Erika, Prestige…), de la terre (déchets nucléaires), accidents industriels (Minimata, Sévéso, Bhopal, Tchernobyl…), catastrophe sanitaire de l’élevage intensif (vache folle, dioxine, peste aviaire...), OGM, clonage, désertification, criminalité financière... Voilà les peurs d’aujourd’hui ! Ne sont-elles pas au moins aussi inquiétantes que les peurs d’antan ? Et c’est cela que l’on nomme progrès ? «Quel progrès ? N’est-ce pas plutôt le résultat d’une conception exponentielle de la croissance ? D’un délire productiviste proprement irrationnel ?». (RAMONET, 2001, 7). Dans cette conception, il semble que la rationalité ait succombé à son propre culte.

Les nouvelles propositions pour l’agriculture s’entendent sur un consensus en trois piliers : «meilleure garantie de la sécurité sanitaire des aliments, multifonctionnalité (terme consacré pour désigner la protection de l’environnement, des paysages, de l’emploi rural, de l’aménagement du territoire et du bien-être animal) et développement durable... » (BERTHELOT, 2001, 39). C'est dans ce cadre que devra s'appliquer la prochaine réforme de la PAC (politique agricole commune) pour répondre aux attentes des citoyens, ou, en l'occurence, à leurs nouvelles peurs.

Il s’agira pour l’homme de cesser ses protestations systématiques contre l’ordre de la Nature, de refuser toute douleur (effort compris), afin de retrouver une véritable dignité humaine. «La recherche, la transformation de la Nature, la transgression des interdits sociaux antérieurs sont alors légitimes et féconds s’ils témoignent d’une humanité en train de grandir et non de régresser.» (VIVERET, 2001, 96).

Ainsi, la peur qui accompagne aujourd'hui le loup est-elle contradictoire. De quoi a-t-on le plus peur aujourd'hui ? Du retour d'un prédateur disparu? Ou de l'extinction progressive de la nature sauvage, de la biodiversité et des équilibres naturels, accompagnée d'une gestion sanitaire de plus en plus douteuse des animaux domestiques ? Il faudra faire des choix.

A partir de là, les questions soulevées par les nouvelles peurs trouveront de nouvelles réponses.


La peur janvier 2013

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