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La France doit jouer un rôle moteur dans la gestion des océans

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L'exploitation des océans place les États face à de nombreux défis. Selon le Cese, la France a les atouts pour s'imposer dans la gouvernance des mers.

Réchauffement climatique, surexploitation des ressources marines, accumulation des déchets, destruction des écosystèmes, pêche industrielle, etc. : la mer est menacée et les experts ne cessent de s'en alarmer. Mais les promesses des océans n'en sont pas moins réelles. "Notre avenir est en mer. Toutefois, compte tenu des enjeux environnementaux, économiques et sociaux, il nous semble impératif de gérer collectivement cet espace", résume Catherine Chabaud, la rapporteur de l'avis "Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ?" publié par la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental (Cese).


Photo d'illustration ©️ Stéphane Frances / Only France


Cet avis formule un certain nombre de préconisations pour améliorer la gestion des océans et leur gouvernance. À commencer par la réduction des impacts environnementaux du développement des activités maritimes (pêche, transport maritime...) et terrestres (pollutions...). "Des écosystèmes entiers sont en train de subir des changements irréversibles : ainsi, l'acidification et la réduction de la biomasse des océans ont des impacts sur toute la chaîne trophique, le réchauffement des océans est peut-être en train de modifier la courantologie globale des océans. [...] La mesure de ces impacts montre les limites de la résilience du milieu marin et les risques d'atteintes à la sécurité et à la santé humaines", s'alarment les experts du Cese.

Ce n'est pas en passant par l'autorité du droit que l'on parviendra à arrêter les dégâts. Car, sur le plan juridique, la mer est un véritable gruyère. Le texte de référence, la convention de Montego Bay, date de 1982. Elle a notamment créé la zone économique exclusive (ZEE), un espace de 11 millions de kilomètres carrés qui repousse les frontières des 34 États côtiers jusqu'à deux cents milles nautiques des côtes. Elle attribue par ailleurs à l'humanité la propriété du fond des mers et des océans ainsi que des ressources minérales qui s'y trouvent au-delà des limites de la juridiction nationale, rappelle le directeur général de l'Institut océanographique de Monaco Robert Calcagno dans son livre Les grands fonds (éditions du Rocher). Mais, à l'époque, les États s'intéressaient au pétrole et aux minerais, et moins aux ressources et à la biodiversité. Et, explique Catherine Chabaud, "même si Montego Bay a fait avancer les choses en matière de préservation de l'environnement en définissant un statut pour les fonds marins, cette convention ne couvre pas tous les sujets et notamment la colonne d'eau". En outre, rappelle Robert Calcagno, Montego Bay ne dispose pas d'un outil global et cohérent pour vérifier que les États et les navires respectent leurs engagements".

Ainsi, pour pallier les carences des États dans l'application de leurs obligations en matière de maîtrise de la pollution du milieu marin, le Cese préconise l'adoption d'une convention-cadre dédiée à la lutte contre les pollutions d'origine tellurique (déchets, pollutions diffuses). "Celles-ci ont un impact majeur sur les océans, jusqu'en haute mer. Or, près de vingt ans après son adoption, le Programme de Washington qui incitait les États à s'acquitter de leur devoir de préservation et de protection du milieu marin reste largement ignoré", souligne le rapport du Cese.

Montego Bay a été suivi de plusieurs conventions sectorielles consacrées à la préservation du milieu marin en Méditerranée, à la pêche ou à la diversité biologique. Et la France, présente dans plusieurs régions du globe, est impliquée dans la plupart de ces conventions. L'une des plus connues est la Convention sur la diversité biologique (CDB) dédiée à la protection des zones marines et côtières particulièrement menacées (les "aires marines protégées"). "Il s'agit d'un outil très pertinent pour gérer durablement les océans, et d'ailleurs le Cese rappelle l'engagement de la communauté internationale de parvenir en 2020 à 10 % des océans en aires marines protégées", souligne Catherine Chabaud

Puis il y a eu Rio, en 1992, avec son "Sommet de la Terre", qui a reconnu la nécessité de protéger et de sauvegarder les océans, mais qui a aussi prôné l'utilisation rationnelle et la mise en valeur des ressources biologiques. Dix ans plus tard, le sommet de Johannesburg mettait en avant l'approche écosystémique et la gestion intégrée de la mer. Enfin, le Rio + 20 a réitéré l'importance de Montego Bay comme socle de la gouvernance des États.

Du côté de l'Europe, le cadre juridique se construit depuis la directive de 2008 "Stratégie pour le milieu marin", qui engage les États à prendre des mesures pour réduire les impacts des activités en mer. Ce texte, fondé sur une approche écosystémique, fixe comme objectif la réalisation et le maintien du bon état écologique du milieu marin à l'horizon 2020. Transposé en droit français par la loi Grenelle 2, il doit être mis en oeuvre de façon concertée au niveau territorial au moyen de "plans d'action". La France a par ailleurs décidé de se doter d'une stratégie nationale pour la mer et le littoral qui devrait faire l'objet d'un décret en 2014. "La France est légitime pour prendre un leadership sur ce sujet, car elle possède le deuxième espace maritime après celui des États-Unis, peut-être le premier demain avec l'extension de son plateau continental. Elle est présente dans tous les océans du globe sauf l'Arctique", note Catherine Chabaud. Un rapport du Sénat souligne d'ailleurs que la mer est un "enjeu politique grâce auquel un État peut rayonner et affirmer sa puissance sur la scène internationale".

À cet égard, insiste l'experte, "on ne peut que regretter que le sujet maritime ne soit pas prioritaire en France, alors que la France dispose de techniques de recherche très avancées. Si elle décidait de se reconnaître comme un pays maritime, elle pourrait avoir un rôle beaucoup plus présent au niveau international." Elle estime urgent de "mener collectivement une gestion durable des océans par des concertations associant toutes les parties prenantes". Il s'agirait, notamment, de sensibiliser et de former les ingénieurs qui construisent des éoliennes et des plateformes offshore ou autres infrastructures maritimes. "C'est à la France, avec l'aide de la Berd, de prendre l'initiative de relancer cette dynamique aux niveaux européen et méditerranéen autour des thèmes prioritaires des travaux retenus pour la période 2012-2016 : les nutriments, les détritus et les eaux usées", préconise Catherine Chabaud.


LE POINT 30/7/2013

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