Berne (awp/ats) - Les agrocarburants sont tombés en disgrâce. Raison de la levée de boucliers? Leur production monopolise une grande quantité de matière végétale au détriment du secteur de l'alimentation. Une solution prometteuse est néanmoins en cours de développement: l'utilisation de résidus tels que la paille.

Il y a quelques années encore, le bioéthanol était considéré comme le carburant du futur. Exploiter la matière végétale afin de faire avancer les automobiles constituait aux yeux de nombreuses personnes une alternative durable et non polluante à l'essence et au diesel.

Depuis, le soufflé est retombé bien bas. De nombreux scientifiques et associations de défense de l'environnement critiquent le recours au maïs ou à la canne à sucre pour fabriquer du carburant, alors que les besoins alimentaires ne sont pas couverts à l'échelle planétaire. Mais l'arrivée d'une seconde génération de bioéthanol pourrait faire taire ce débat "nourriture contre carburant". Contrairement à la pratique actuelle, l'idée est de se contenter d'utiliser la partie non comestible des plantes.

Le groupe de spécialités chimiques Clariant est aux avant-postes de ce nouveau mouvement technologique. Lorsqu'elle a repris il y a deux ans l'allemand Süd-Chemie, l'entreprise bâloise a en effet hérité d'un procédé innovant de production de bioéthanol, appelé sunliquid. Cette méthode permet d'extraire, via une réaction chimique, le sucre des résidus végétaux tels que la paille de maïs ou de blé. Dans la foulée, l'entreprise peut produire le précieux liquide.

La technique est actuellement testée dans une installation située à Staubing, en Bavière. Clariant espère pouvoir la mettre sur le marché prochainement. "Nous sommes déjà en discussion avec plusieurs partenaires", a précisé à l'ats André Koltermann, chef de la division biotechnologie et énergies renouvelables du groupe.

Le responsable de Clariant est convaincu du potentiel de cette deuxième génération d'agrocarburants, issue de matières premières qui ne doivent pas être spécialement cultivées à cet effet. "Nous pouvons remplir à la fois les réservoirs et les assiettes!"

Cet optimisme n'est pas partagé par tous les observateurs du secteur. Si elle présente certes des avantages, la nouvelle technologie pourrait entraîner la production en abondance de certaines plantes dont la branche alimentaire n'a pas particulièrement besoin mais qui se prêtent bien à l'extraction du sucre, redoute Tina Goethe, de Swissaid. "On risque de se retrouver avec des cultures de maïs partout. Ce serait problématique, car le maïs requiert l'utilisation de beaucoup d'eau." Mme Goethe ajoute que les résidus végétaux ont leur propre rôle à jouer dans le cycle agraire, puisqu'une partie d'entre eux sont étendus sur les champs pour en permettre la régénération.

C'est d'ailleurs la pomme de discorde entre les experts actuellement: quelle part de la paille faudrait-il allouer à la production d'agrocarburants? André Koltermann renvoie à une étude européenne selon laquelle l'utilisation de 60% des résidus végétaux est tout à fait envisageable. Ce qui permettrait de produire assez de bioéthanol pour couvrir 25% des besoins en essence.

Ce scénario est jugé trop optimiste par Rainer Zah, directeur de la société de conseil environnemental Quantis. Selon lui, les biocarburants de la seconde génération représenteront 10% au maximum. "Ils ne constitueront pas la solution miracle au problème énergétique." M. Zah doute par ailleurs de leur potentiel commercial.

Autre son de cloche du côté de Clariant: "Nous partons du principe que nous serons relativement rapidement concurrentiels face au bioéthanol conventionnel", souligne M. Koltermann. Le responsable en appelle néanmoins au soutien des milieux politiques, par exemple à travers un allègement fiscal spécifique.


romandie 20/9/2013