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Admin-lane

La guerre des gammares contre une espèce invasive

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Les espèces invasives ne s’installent pas toutes librement. Certaines doivent d’ailleurs faire face à d’âpres résistances contre lesquelles elles ne gagnent pas toujours. Le cas du gammare nord-américain Crangonyx pseudogracilis peut en témoigner. En Irlande, il sert de pitance à des amphipodes locaux ! Pour le comprendre, des chercheurs ont organisé des combats.

Ces dernières décennies, le développement des transports et les changements survenus dans nos modes de vie ont favorisé la dispersion d’espèces dites exotiques, car elles colonisent des milieux qui ne sont pas les leurs. Pour la majorité d’entre elles, cette situation n’est pas problématique : le nouvel arrivant s’installe généralement sans se faire remarquer, donc sans causer de dégâts écologiques, économiques ou sociaux. Cependant, la situation est toute autre dans 10 à 15 % des cas, pour les espèces exotiques dites invasives.

  L'arthropode amphipode Crangonyx pseudogracilis a pour la première fois été observé au Royaume-Uni en 1935, précisément à Londres. Il serait arrivé des États-Unis dans des plantes aquatiques. ©️ BioImages - the Virtual Fieldguide (UK), EOL, cc by nc sa 3.0

Les exemples ne manquent pas. En Europe, les problèmes liés à l’écureuil gris (Sciurus carolinensis), à la tortue de Floride (Trachemys scripta elegans), à l’écrevisse américaine (Orconectes limosus) ou des plathelminthes tueurs de lombrics font souvent débat. Ce que l’on sait moins, c’est que de nombreuses espèces natives entrent littéralement en lutte contre ces nouveaux arrivants, par compétition (je prends toute la nourriture et laisse l’intrus mourir de faim, par exemple) ou par prédation (je me nourris de mon concurrent potentiel). Problème : les données disponibles fournissent peu d’informations sur l’efficacité de cette « résistance biotique »

Une nouvelle étude présentée dans la revue NeoBiota vient très clairement de montrer que, dans certains cas, la résistance biotique peut enrayer une invasion. L’exemple, qui nous vient d’Irlande, a été relaté par Calum MacNeil de l’université Queen’s de Belfast. Dans cette histoire, l’envahisseur n’est autre que le gammare nord-américain Crangonyx pseudogracilis. Il a dû faire face à deux opposants de choix : les gammares européens d’eau douce Gammarus pulex (un ancien colon aujourd’hui bien implanté dans les îles britanniques) et Gammarus duebeni celticus (un natif pure souche).

Bien évidemment, ce choix ne doit rien au hasard. Grâce à des cartographies montrant la distribution de ces espèces, les chercheurs ont constaté que les entités locales ne cohabitaient jamais, ou du moins que très rarement, avec l’intrus. Sur base de ce constat, il leur est venu à l’esprit que C. pseudogracilis pourrait être victime d’une résistance biotique : il serait la proie des G. pulex et G. duebeni celticus. Pour le vérifier, plusieurs spécimens de chaque espèce ont été prélevés dans l’environnement… puis confrontés lors de combats savamment organisés.

  Les gammares européens d’eau douce (Gammarus pulex) peuplent les rivières et les plans d'eau relativement propres des régions calcaires en Europe, où ils peuvent vivre en grand nombre. Ils servent de nourriture pour de nombreux organismes aquatiques. ©️ MdE, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

Chaque round consistait à opposer un G. pulex ou un G. duebeni celticus mâle contre un nombre variable de C. pseudogracilis (de 2 à 40), le ring étant composé d’une boîte de Petri remplie par 300 ml d’eau. Résultat : G. pulex n’a laissé aucune chance à l’envahisseur, menant à chaque fois sa population sur le chemin de l’extinction. Pour sa part, G. duebeni celticus s’est parfois, mais pas toujours, montré plus clément, en établissant une paisible cohabitation. Voilà donc de quoi expliquer la distribution de chaque espèce, et illustrer l’effet non négligeable que peut avoir la résistance biotique sur des tentatives d’invasions d’espèces exotiques.

À l’avenir, il serait donc utile d’approfondir les connaissances que nous avons sur les moyens mis en œuvre par les espèces natives pour résister à l’arrivée des invasives. Nous pourrions alors trouver des solutions pour favoriser leur croissance et leur développement, dans le but indirect de lutter contre les menaces extérieures en cours ou à venir. Pour rappel, l’impact économique des espèces invasives a été estimé à quelque 12 milliards d’euros rien que pour l’Europe.


FUTURA SCIENCES 15/10/2013

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