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Synergie entre forêt et faune de sol et sous-sol

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La faune du sol peut paraître banale, car elle n'est pas spectaculaire, nettement moins que les récifs de coraux et autres merveilles de la nature ! Et pourtant, le sol et le sous-sol de notre planète abritent une biodiversité foisonnante, indispen-sable elle aussi à la vie sur Terre.

Déjà, ce que l'on peut dire, c'est que la biodiversité du sol, moins connue et moins admirée que d'autres espèces, est pourtant tout aussi importante pour la vie sur notre planète. De nombreux invertébrés contribuent par exemple au processus de décomposition du bois et de production de l'humus forestier.

Sous nos pieds grouille un univers riche de plusieurs centaines d’espèces animales (au décimètre carré), dont l’importance est fondamentale pour le maintien de la vie sur notre planète:

- recyclage de la matière organique,
- création de la structure du sol,
- régulation, dissémination
- stimulation des communautés microbiennes (bactéries, champignons)...

Telles sont les fonctions principales dévolues aux invertébrés du sol, toutes essentielles pour le maintien de la fertilité du sol et donc… de la biodiversité !

Mais qu’arrive-t-il lorsque cette faune régresse en nombre et diversité ?

L’écosystème ne se transforme-t-il pas alors en colosse aux pieds d’argile ?

Vous allez découvrir, ou redécouvrir, dans ce dossier, réalisé par Jean-François Ponge (Enseignant chercheur - Ecologie du sol) comment on explique la coexistence d’un aussi grand nombre d’espèces dans le sol, comment matière et énergie y circulent le long de réseaux trophiques, pourquoi la biodiversité animale du sol explique la bonne santé de nos forêts, et comment on peut en tirer des leçons pour les gérer durablement.

Futura Sciences janvier 2012

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La dimension fractale du sol est un paramètre essentiel à envisager. Il est nécessaire tout d'abord de comprendre comment un aussi grand nombre d’espèces cohabitent dans un espace aussi réduit, bravant ainsi certaines des «lois» de la nature, qui établissent des limites strictes à la coexistence des espèces.

À première vue, le sol semble un espace réduit par rapport au nombre d'espèces animales y vivant. Et pourtant, sa dimension fractale permet cette biodiversité impressionnante

La dimension fractale des espaces

La dimension fractale est une propriété qui n’est pas propre au sol. On la retrouve, bien qu’à un moindre degré, dans la canopée des forêts tropicales et dans les récifs coralliens, pour ne citer que ces exemples fameux, en fait partout où des organismes érigent des structures complexes, ramifiées, développant une énorme surface par unité de biomasse : ce sont les véritables « hot spots» de la biodiversité !

Le partage du sol

Le sol est un milieu infiniment fragmenté, qui reproduit à différentes échelles un partage tridimensionnel de l’espace. De ce fait, la surface accessible aux organismes est sans commune mesure avec celle que l’œil humain perçoit : lorsqu’on observe « vu d’en haut » une surface de sol d’un décimètre carré, ce sont en fait plusieurs mètres carrés qui se déroulent dans cet univers infiniment « froncé », un territoire immense mis à la disposition des organismes en fonction de leur taille et de leur mobilité, les plus petits s’insinuant à l’intérieur du territoire des plus grands.

La dimension spatiale du sol

C’est la dimension spatiale du sol, qu’aucune caméra, aussi cachée soit-elle, ne peut saisir pour nous la faire partager. Il faut, pour la « sentir », s'imaginer à la taille de ses habitants et utiliser des moyens directs ou indirects d’observation : effriter du sol ou de la litière, l’étaler dans une boîte de Pétri, en monter au microscope les divers éléments repérables à l’œil ou à la loupe binoculaire, en discerner d’autres à leur tour, et ainsi de suite.




Le sol renferme une biodiversité importante, avec de nombreuses espèces animales et microbiennes. Sur ces images, un zoom à travers la litière d’une forêt de pin. ©️ DR

Chacune des structures ainsi observées a sa stabilité, son «enveloppe», et résulte de processus avant tout biologiques : chaque élément de structure isolable provient de l’action de transformation d’un organisme.



Un zoom à travers la litière d’une forêt de pin. Ici, on peut y voir des bactéries, exemple de micro-organisme vivant dans le sol. ©️ DR

Ces images ci-dessus nous montrent un zoom effectué dans une litière de nos forêts, depuis ce qui est observable à l’œil jusqu’aux plus petits organismes que le microscope photonique nous permet de discerner : les bactéries.


Futura Sciences janvier 2012

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La mobilité des animaux du sol est la seconde propriété qui explique l’abondance des espèces.

Le réseau trophique qui s'y organise est complexe. Telle la Reine Rouge de Lewis Carroll, qui se déplaçait de manière incessante pour arriver à rester sur place alors que tout bougeait autour d’elle, les mouvements quasi incessants des animaux du sol (en dehors des périodes de mueou des stades immobiles comme les œufs) autorisent une circulation de l’énergie et des nutriments qui assure la stabilité du tout.


Le réseau trophique du sol est en mouvement incessant. Sur cette image, deux déjections d’acariens à l’intérieur du tube digestif d’un enchytréide (x 200). ©️ DR

Réseau trophique : la circulation de la matière

Cette photo ci-dessus nous montre une déjection d'acarien dans le tube digestif d’un enchytréide (petit ver annélide oligochète transparent de quelques millimètres de longueur), qui va bien entendu l’intégrer à ses propres excréments et donc la faire « disparaître », à première vue du moins. Si elle disparaît en tant que déjection d’acarien, elle ne disparait cependant pas en tant que matière : elle est seulement transformée, et perd au passage, bien entendu, un peu de sa matière, qui a servi à l’alimentation du ver.

Les animaux circulent donc, mais également la matière (et l’énergie), le long de ce que l’on appelle les réseaux trophiques du sol (en gros, «qui mange quoi»). Phénomène paradoxal : plus ces réseaux sont complexes (et donc partagés entre un grand nombre d’organismes assurant des fonctions diverses et complémentaires), plus l’énergie et la matière circulent vite. On a donc un lien évident entre biodiversité et recyclage des nutriments (azote, phosphore, potassium, calcium...), et donc entre biodiversité et productivité.


Futura Sciences janvier 2012

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L'humus présente plusieurs formes dans les forêts tempérées: le mull et le moder. La notion de feed-back ou boucle de rétroaction (une notion provenant de la cybernétique) permet de mieux comprendre la relation existant entre biodiversitéet productivité.



Le mull et le moder sont les deux formes d'humus que l'on retrouve dans les forêts tempérées. ©️ raym5, Flickr CC by nc-sa 2.0

La mise à disposition rapide des nutrimentsissus de la décomposition de la litière permet aux arbres de pousser plus vite (et plus haut), mais en retour la meilleure qualité de leur litière (plus il y a de nutriments à leur disposition, plus les feuilles sont riches en ces nutriments) favorise leur décomposition en autorisant la coexistence d’un grand nombre d’organismes, en particulier les plus exigeants sur le plan nutritionnel tels que vers de terre et bactéries.

Cette conception des relations entre sol et végétation est illustrée par la distribution des formes d’humus dans les forêts tempérées.

Humus : le mull

Les formes d’humus présentes sur les sols les plus fertiles (les plus productifs) sont de type mull (en gros, les sols forestiers à litière mince) : on y trouve la plus grande variété possible d’organismes assurant des fonctions variées. La forêt est une forêt multistrate (existence d’un ou plusieurs sous-étages arbustifs), avec une litière améliorante (à décomposition rapide) et de grands arbres (forte productivité).

Humus : le moder

Sur les sols plus pauvres, la forme d’humus dominante est le moder (en gros, les sols forestiers à litière épaisse) : la faune et la microflore y sont moins diversifiées (les vers de terre se raréfient, la microflore est dominée par les champignons), de même en ce qui concerne la végétation, qui s’appauvrit en espèces, la litière est récalcitrante (elle se décompose moins vite), la forêt est monostrate (pas de sous-étage) et « pousse » moins bien (faible productivité).



Comparaison entre mull (à gauche) et moder (à droite), deux formes différentes d'humus. ©️ DR J.-F. Ponge

La photo ci-dessus nous montre deux profils de sol, réalisés l’un dans un humus de forme mull, l’autre dans un humus de forme moder. Le mull montre une litière très mince, restant moins d’un an à la surface du sol, au-dessus d’un horizon grumeleux montrant un mélange intime de matière organique et de matière minérale : ce travail d’incorporation est réalisé principalement par les vers de terre. Le moder montre une litière épaisse, se fragmentant progressivement et faisant place à un horizon organique de couleur sombre, fait des crottes invisibles des très petits animaux qui ont consommé la litière, surtout acariens et enchytréides.


Futura Sciences janvier 2012

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Comment cohabitent les animaux du sol ? Quels sont les facteurs qui contrôlent la diversité zoologique du sol, c’est-à-dire le nombre de groupes animaux qui cohabitent dans un volume donné de sol ?



La diversité des arbres est l'un des facteurs de contrôle des différents animaux du sol. Sur cette photo, bois et bois-mort de diamètres exceptionnels dans la hêtraie (forêt ancienne) de Reinhardswald (Allemagne). ©️ Lebrac - Licence de documentation libre GNU, version 1.2
En premier lieu, le contrôle des animaux du sol se fait par la qualité de leur nourriture, c’est-à-dire en milieu forestier la qualité nutritionnelle de la litière, sa richesse en acides aminés et calcium notamment.

Diversité des arbres

Cette qualité nutritionnelle va dépendre de la diversité des arbres, arbustes et herbes présents, la variété du régime alimentaire étant également un gage de qualité pour la nourriture de nos petites bêtes. Nous avons vu que cette diversité était elle-même conditionnée par la complexité des réseaux trophiques du sol, et ainsi de suite, mais qu’est-ce qui contrôle le tout ?

Géologie et climat : le contrôle des animaux du sol

Géologie et climat sont en fait les facteurs distaux, c’est-à-dire ceux vis-à-vis desquels la biologie n’a pas son mot à dire, en tout cas pas à la même échelle de temps ni d’espace.

Ces deux facteurs agissent à la fois sur la végétation et sur les organismes du sol, en accélérant (chaleur) ou au contraire en ralentissant (froid) les fonctions biologiques (essentiellement les réactions enzymatiques) au sein de l’écosystème, et en agissant sur la disponibilité en nutriments. En milieu de montagne, l’altitude combine souvent ces deux aspects, les bas de pente s’enrichissant en nutriments au détriment des hauts de pente (sous l’action de la gravité), et bien entendu la température diminuant avec l’altitude.



Relation observée entre le nombre de groupes animaux et l’altitude, dans les forêts de hêtre de l’Ardenne belge. Les ronds blancs correspondent au mull, les ronds noirs au moder. ©️ DR
Ce graphisme nous montre l’effet dépressif de l’altitude sur la richesse zoologique du sol (nombre de groupes zoologiques présents sur un décimètre carré) dans 13 hêtraies de l’Ardenne belge.

Futura Sciences janvier 2012

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La faune du sol peut varier au cours du temps. Comme nous l’avons vu, si la qualité de la végétation change, celle des réseaux trophiques du sol va varier aussi. Observons cet effet avec les vers de terre.


Il s’agit ici d’une forêt semi-naturelle d’épicéas, dont les arbres se sèment tout seuls (régénération naturelle) et sont récoltés lorsqu’ils ont atteint un âge d’environ 200 ans. La dynamique du sol forestier influe sur la faune du sol. ©️ Innocenti-rob - Licence de documentation libre GNU, version 1.2

Évolution des communautés de vers de terre

Le graphisme ci-dessous nous montre l’évolution des communautés de vers de terre au cours de ce que l’on appelle une révolution forestière, c’est-à-dire l’évolution d’un peuplement forestier depuis le moment où les arbres se sont installés jusqu’au moment où ils sont récoltés.



Dynamique des vers de terre au cours d’une révolution forestière en forêt d’épicéa (forêt communale de Mâcot-La Plagne, Savoie, altitude 1500 m). ©️ d’après Bernier & Ponge 1994

Les espèces de vers de terre ont été regroupées en trois catégories :

- épigés (petits vers rouges vivant dans la litière) ;
- anéciques (un terme barbare pour désigner les gros vers qui effectuent des mouvements verticaux importants, ce sont les « laboureurs » de la forêt !) ;
- endogés (petits vers transparents qui vivent en permanence dans le sol).

Les épigés transforment la litière sur place, les anéciques l’enfouissent et les endogés réalisent le brassage intime de la matière organique et de la matière minérale. On peut voir que la composition de cette communauté de vers varie fortement au cours d’une révolution forestière, se traduisant par une évolution cyclique de la forme d’humus, en fonction de la croissance des arbres, mais aussi des opérations menées par les sylviculteurs, comme les éclaircies.



Le ver de terre (Oligochaeta, Lumbricina) est un bon exemple de l'évolution des communautés de la faune du sol. ©️ Michael Linnenbach - Licence de documentation libre GNU, version 1.2


Futura Sciences janvier 2012

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Peut-on mettre en place une foresterie durable qui respecte la faunedu sol ? Les phénomènes d’évolution cyclique des communautés animales du sol et de la forme d’humusne s’observent que dans des conditions proches des conditions naturelles. La taille des unités de végétation qui forment la mosaïque forestière est ici fondamentale.



L'exploitation de la forêt (la foresterie) peut se faire dans une optique de développement durable et de respect de la faune du sol. ©️ Oliver Herold - Creative Commons Attribution 3.0 Unported license.

Foresterie : la gestion durable de la forêt

Dans l’exemple présenté dans la page Faune du sol et dynamique forestière, l’âge des arbres, qui est le facteur distal réglant les modifications locales de l’écosystème forestier, varie à très courte distance (une ou deux dizaines de mètres environ).

On comprend dans ce cas que les vers de terre (pour ne parler que d’eux, mais c’est valable pour tous les organismes mobiles) peuvent trouver à courte distance des « refuges » où ils peuvent attendre que les conditions de leur retour soient rendues à nouveau propices par l’évolution du couvert forestier. Encore un effet de la mobilité des animaux du sol, mais aussi une contrainte importante si l’on veut que la forêt soit gérée durablement !

Une gestion durable de la forêt va donc devoir prendre en compte un certain nombre de spécificités liées à la biodiversité du sol. La régénération naturelle est recherchée dans la mesure du possible car elle seule permet d’assurer le renouvellement des générations au moindre coût.

Les « laboureurs du sol » que sont les vers de terre sont un allié efficace dont le sylviculteur peut s’assurer la collaboration, en leur aménageant des refuges. Les résultats présentés dans ce dossier n’ont cependant pas encore trouvé leur débouché dans la façon dont sont conduites nos forêts.

En France, la tendance est plutôt au raccourcissement des rotations, si l’on met à part la pratique récente des îlots de vieillissement (surtout aménagés pour favoriser la diversité entomologique), mais l’idée fait son chemin…


Futrua Sciences janvier 2012

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Envie d'en savoir davantage ?
Pour aller plus loin sur le sujet de la biodiversité du sol, consul-tez la bibliographie de l'auteur... Jean-François Ponge, Enseignant chercheur - Ecologie du sol.

Bibliographie :

  • Bernier N. & Ponge J.F. 1994.- "Humus form dynamics during the sylvogenetic
    cycle in a mountain spruce forest". Soil Biology and Biochemistry 26:
    183-220.
  • Gobat J.M., Aragno N. & Matthey W. 2003.- « Le sol vivant. Bases de
    pédologie ». Biologie des sols, Presses Polytechniques et Universitaires
    Romandes
    , Lausanne.
  • Ponge, J.F. 1991.- "Food resources and diets of soil animals in a small area
    of Scots pine litter". Geoderma 49: 33-62.
  • Ponge J.F. 2003.- "Humus forms in terrestrial ecosystems: a framework to
    biodiversity". Soil Biology and Biochemistry 35: 935-945.
  • Ponge J.F. 2005.- "Emergent properties from organisms to ecosystems: towards
    a realistic approach". Biological Reviews 80: 403-411.
  • Ponge J.F., André J., Zackrisson O., Bernier N., Nilsson M.C. & Gallet
    C. 1998.- "The forest regeneration puzzle: biological mechanisms in humus layer
    and forest vegetation dynamics". BioScience 48: 523-530.

Sitographie : Les publications de Jean-François Ponge (CNRS).

Futura Sciences janvier 2012

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