Aller au contenu
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…
Admin-lane

Les récifs artificiels au secours des poissons

Messages recommandés

J'ai regardé récemment plusieurs documentaires dans lesquels on parlait, entre autres, des récifs artificiels autour de certaines îles notamment. J'ai trouvé le sujet intéressant pour l'ajouter au forum... Personnellement, je savais déjà pour avoir regardé plusieurs documentaires du Capitaine Cousteau, de Thalassa.... que la faune et la flore sous-marine investissaient ce qui se trouvait sur son chemin et ainsi se créaient de nouveaux habitats... Mais j'ignorais que cette faculté, somme toute naturelle, était utilisée de manière artificielle soit pour créer de nouveaux habitats ou réparer certains dégâts commis par l'homme. J'ai trouvé un sujet à ce propos sur le site deFUTURA SCIENCES qui est un peu ancien mais bien expliqué. Si je trouve d'autres informations, je les ajouterai.
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=



Face aux pressions constantes exercées par les activités humaines sur le littoral et aux dégradations de l’environnement marin et de ses ressources, les récifs artificiels représentent un des outils de gestion intégrée de la bande côtière et des ressources littorales les plus performants, avec la mise en place d’aires marines protégées. Cette gestion peut concerner à la fois : les usages, l'aspect halieutique et l’aspect écologique.

Ce dossier, préparé par Eric Charbonnel, biologiste marin et plongeur scientifique, pour Futura Sciences, vous invite à partir à la découverte des récifs articiels : les critères d'une bonne réalisation, les bénéfices pour la pêche et la biodiversité, les récifs créés en France et dans le monde...

Les récifs artificiels au secours des poissons :




  • Introduction sur les récifs artificiels
  • Les différentes catégories de récifs artificiels
  • Les récifs artificiels dans le monde et en France
  • Récifs artificiels et biomasse : les peuplements marins se modifient
  • Récifs artificiels : les bénéfices pour la pêche
  • Comment concevoir un récif efficace ?
  • Les solutions alternatives au béton pour les récifs artificiels
  • Comment optimiser les récifs artificiels ?
  • Conclusion : les récifs artificiels, un outil d’avenir ?



FUTURA SCIENCES Octobre 2007

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Un récif artificiel peut se définir comme une structure immergée volontairement dans le but de créer, protéger ou restaurer un écosystème.

Le concept des récifs artificiels est très ancien (XVIe siècle) et a été découvert et élaboré par des pêcheurs japonais, qui constataient que leurs prises étaient bien plus importantes au voisinage d’épaves de navires ou de structures en bambous qu’ils immergeaient volontairement.


Les aménagements en récifs artificiels constituent une réponse possible aux nombreux problèmes concernant les ressources vivantes côtières, comme la surpêche et la dégradation des écosystèmes et des habitats. Les récifs représentent un bon outil pour la gestion et le management des ressources et peuvent contribuer au maintien des pêcheries et des pêcheurs. Aménager la mer tout en la ménageant pourrait constituer le challenge des prochaines années.


Ces structures, qui imitent les caractéristiques des zones rocheuses naturelles, peuvent induire chez les animaux des réponses d’attraction, de concentration, de protection et de production, avec une augmentation de la biomasse, du nombre d’espèces et de la reproduction de certaines espèces. Les matériaux, les formes, les dimensions, l’architecture et la disposition des récifs sur le fond jouent un rôle important sur l’efficacité et la pérennité de l’aménagement. Le récif, en créant une discontinuité physique sur le fond, va entraîner toute une série de modifications physiques et biologiques du milieu. Le nouveau substrat disponible sera rapidement colonisé par une multitude de microorganismes, d’algues et d’invertébrés, permettant l’installation progressive de réseaux trophiques complexes, créant un nouvel «écosystème».

Dans un premier temps, les poissons seront attirés par cette nouvelle structure (effet d’agrégation liée à l’existence d’abris et de nourriture), avec, dans un second temps, une véritable production de biomasse (croissance et reproduction).

Les aménagements en récifs artificiels peuvent concerner à la fois les aspects écologiques de conservation du milieu marin et la valorisation halieutique de la pêche. L’immersion de récifs répond autant à un objectif environnemental que socioéconomique, avec un soutien attendu à la pêche artisanale. Bien souvent, ce sont d’ailleurs les pêcheurs professionnels qui sont à l’initiative des projets.

Récif artificiel expérimental au Parc national de Port-Cros. ©️ Alexis Rosenfeld



FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
On distingue généralement trois grandes catégories de récifs artificiels : les récifs de production, les récifs de protection et les récifs paysagers.

On distingue trois catégories de récifs :

  • les récifs de [b]« production »,[/b] véritables « maisons à poissons », créateurs de biodiversité et de biomasse ;


  • les récifs de « protection » pour réduire les nuisances liées au chalutage illégal dans la bande côtière ;


  • enfin, les récifs « paysagers », ayant un objectif plus récréatif et ludique pour la plongée sous-marine ou la pêche récréative.

Les récifs artificiels se distinguent en trois types. ©️ CRPM

Les récifs de production


Ce sont de véritables « maisons à poissons », créateurs de biodiversité et de biomasse. Ces récifs visent un accroissement des ressources en vue d’une exploitation par la pêche. L’idée est d’immerger des habitats artificiels sur des fonds meubles naturellement pauvres pour en augmenter la productivité et la diversité biologique, en apportant des abris et des habitats adaptés de type rocheux et nécessaires à la sédentarisation de nombreuses espèces de poissons. En outre, ces récifs permettent aussi la restauration d’habitats dégradés par l’Homme, avec une augmentation de la biodiversité et une diversification des ressources. Les récifs anfractueux offrant de multiples habitats, ils présentent des rendements similaires et souvent supérieurs aux zones rocheuses naturelles.


Le coralligène, habitat spectaculaire avec un tombant de gorgones rouges et des axinelles. ©️ E. Charbonnel


Les récifs de protection


Différents types de structures ont été imaginées pour réduire les nuisances liées au chalutage illégal dans la bande côtière des 3 milles nautiques (environ 5,5 kilomètres). L’objectif est d’implanter un ensemble de récifs qui soit suffisamment dissuasif pour détourner les chalutiers de ces zones littorales. Le principe de base est de constituer des obstacles physiques aux chaluts, par une action mécanique d’accroche, en disposant les modules un à un en ligne, afin d’occuper le maximum d’espace et de former une véritable barrière contre les chalutiers.


Ces types de récifs permettent la gestion des pêcheries, des usages et des conflits entre pêcheurs, ainsi que le partage de l’espace de pêche et des ressources vivantes. Ils servent à soutenir la pêche artisanale aux « petits métiers », qui privilégient des techniques plus sélectives (pêche aux filets, palangres et casiers) que la pêche aux engins traînants comme les chalutiers, qui en raclant les fonds ont une action plus destructrice sur les habitats et sont beaucoup moins sélectifs que les engins dormants.

Ce type de récif est principalement utilisé en Méditerranée. Il a également une vocation écologique, avec la protection d’habitats naturels riches (herbiers, roches coralligènes) définis comme habitats prioritaires par l’Europe (Directive habitats de 1992), mais également la protection des nurseries et nourriceries des espèces vivant sur les fonds sableux (soles, rougets). La préservation de l’intégrité physique des habitats naturels est en effet la condition indispensable au maintien des ressources exploitables.

L'herbier de Posidonie et les roches coralligène, habitats prioritaires en Méditerranée. ©️ E. Charbonnel


Les récifs paysagers


Ils ont un objectif plus récréatif et ludique pour la plongée sous-marine (concept des «jardins d’épaves») ou la pêche récréative. Ce type de récifs, encore en gestation, est certainement amené à se développer fortement dans les années à venir sur le littoral, compte tenu de sa vocation touristique, ce qui permettrait également de délester certains sites naturels trop fréquentés.


Cependant, pour pouvoir percevoir l’influence favorable des récifs sur les ressources et avoir effectivement des retombées positives sur la pêche, la zone aménagée doit être suffisamment grande : l’expérience japonaise montre qu’il faut au moins 50.000 m3 de récifs sur un site (cela dépend bien sûr avant tout du nombre de pêcheurs exploitants), ce qui est loin d’être le cas en France (seulement 52.000 m3 de récifs dispersés sur l’ensemble du littoral Méditerranéen, sur une vingtaine de sites). Il faut également préciser que le récif n’est pas non plus une «fontaine à poissons». L’exploitation halieutique et l’effort de pêche doivent être raisonnables et raisonnés, au risque de dépeupler non seulement le récif, mais également les zones périphériques. En ce sens, les aménagements en récifs doivent être suffisamment importants et étendus, et toujours garder un certain caractère diffus dans l’espace, afin d’éviter une agrégation des ressources.



FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Les récifs artificiels proposent donc des sites privilégiés pour développer la biodiversité marine. Mais y-en-a-t-il assez ? Sont-ils présents dans tous les océans et mers ? Quelle est la situation en France et dans le monde ?

Aquarelle représentant des récifs artificiels utilisés en France. ©️ DR

Les récifs artificiels dans le monde


Actuellement, les aménagements côtiers en récifs artificiels concernent plus de 35 pays, dont les principaux sont le Japon (les récifs étant à la fois une tradition séculaire et une véritable industrie, avec près de 20 millions de m3 immergés, au rythme actuel de 2 millions de m3 par an et un budget de 160 milliards de yen pour le programme 2000-2006) et les États-Unis (récifs essentiellement à vocation récréative pour la pêche de loisir et la plongée).




En Europe, si la France a été à l’initiative des immersions à grande échelle dans les années 1985, les récifs les plus importants ont été immergés en Italie, en Espagne et au Portugal (plus de 100.000 m3 chacun), grâce au soutien financier de l’Union européenne (jusqu’à 50 % des investissements).


Implantation des récifs artificiels en France

En France, les premières immersions ont commencé dès 1968, mais ne furent que des tentatives organisées à l'échelon local, sans concertation préalable et réalisées avec des matériaux de rebuts, souvent mal adaptés (comme des épaves de voitures, des pneus).


Figure 1 : Présentation des différents types de récifs de protection antichalutage utilisés en France. Type 1 à 5 : modules utilisés dans le parc marin de la Côte Bleue. Type 6 : module buse emboîtée utilisée en Languedoc-Roussillon. ©️ Parc marin côte bleue ©️ E. Charbonnel


Ce n'est qu'à partir de 1985 que les pouvoirs publics français ont décidé d’organiser une véritable action nationale concertée, s'intégrant dans un programme de gestion de l'espace littoral et dans une stratégie de développement de la bande côtière, et incluant un suivi scientifique de l’Ifremer en Languedoc. Ce programme, ne concernant que la façade méditerranéenne (21 sites), a consisté en l’immersion de 51.957 m3 de récifs (voir le tableau), répartis entre la région Languedoc-Roussillon (30.025 m3) et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (21.932 m3). Il existe également quelques récifs sur la façade atlantique, notamment sur la côte Landaise et au Croisic.

Figure 2 : Présentation des différents types de récifs de production utilisés en France et disposition des modules cubiques en tas chaotique. ©️ E. Charbonnel

La plupart des récifs utilisés sont réalisés en béton armé, matériau stable, durable, facile à fabriquer avec des formes très variables et qui offre un très bon potentiel de colonisation, du fait de sa rugosité. De nombreux types de modules (l'unité de base du récif) ont été utilisés en Méditerranée, aussi bien comme récifs de protection (fig. 1) que de production (fig. 2, 3).


Tas de cubes en 3D. ©️ GIS Posidonie 1999



De nombreux types de modules (l'unité de base du récif) ont été utilisés en Méditerranée, aussi bien comme récifs de protection (fig. 1) que de production (fig. 2, 3).



Tableau des récifs artificiels en France


État des réalisations d’aménagements en récifs artificiels en France (Méditerranée et Altantique) et projets en cours. ©️ DR

Exemples de récifs artificiels

Ci-dessous, des récifs artificiels, réalisés avec des cubes en béton.





Figure 3 : Exemples de récifs artificiels utilisés en France et abritant le mérou brun, espèce protégée... ©️ E. Charbonnel - DR




FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Les récifs artificiels sont généralement installés dans des zones où il n’y a que du sable ou des fonds plats. Cet apport d’un habitat très complexe, fait de substrats durs, a des conséquences flagrantes sur la biodiversité locale, pour la flore et la faune fixées comme pour la faune mobile (principalement, crustacés et poissons).

Les pageots font partie des espèces qui se multiplient bien dans les récifs artificiels. ©️ DR

Récifs artificiels et évolution de la biomasse


Ce nouveau peuplement se met en place progressivement, avec d’abord l’intervention d’espèces pionnières, opportunistes qui se remplacent rapidement, puis cette succession se ralentit avec l’installation d’espèces des stades matures du peuplement, qui ont des durées de vie généralement plus longues. Cette organisation de la communauté est plus ou moins rapide selon la profondeur et d’autres paramètres du site, comme la circulation hydrologique, mais en général, elle se fait sur plusieurs années.


Les comptages de poissons réalisés en plongée montrent que les biomasses peuvent être très importantes sur les récifs et sont généralement comprises entre 0,15 à 1 kg de poissons par m3 de récif, mais peuvent même atteindre jusqu’à 3 kg de poissons par m3 de récif. Le gain en biomasse peut atteindre un facteur compris entre 25 et 170 si l’on compare avec l’herbier de Posidonie et un facteur 2 à 8 par rapport aux roches, qui sont les zones naturelles les plus productives. Dans les récifs de Cap Couronne, sur la Côte Bleue, immergés en 1997, moins de deux ans après leur mise en place, la biomasse des poissons a été multipliée par un facteur 11 et a encore pratiquement doublé entre 1998 et 2001, puis entre 2001 et 2004. Au total, la biomasse est passée de 2 kg à 100 kg en l’espace de neuf ans.


Exemple de colonisation par les peuplements de poissons d’un récif artificiel de 150 m3 au Cap Couronne. ©️ Parc marin de la Côte Bleue


[b]Types de récifs et biodiversité


La colonisation est donc assez rapide sur un récif, mais il existe aussi une maturation des peuplements de poissons à plus long terme et un phénomène de «turn-over», avec un renouvellement de certaines espèces.


Toutefois, l’efficacité des récifs pour l’augmentation de la biodiversité et de la biomasse varie selon les secteurs, mais surtout selon les types de récifs utilisés et leur architecture. Une expérience de complexification d’un récif de grand volume (160 m3) inspiré d’un modèle japonais, qui présentait une faible efficacité biologique du fait du manque d’abris, a montré une augmentation spectaculaire des rendements, suite à l’ajout de 37 m3 de petits éléments (parpaings, hourdis, briques, etc.), offrant une multitude d’abris de taille variée et un réseau complexe de cavités (Fig. 5). Ainsi, le nombre total d’espèces de poissons a été multiplié par 2, le nombre moyen d’espèces par 3, les densités par 22 et les biomasses par 90. De plus, les espèces d’intérêt commercial (sars, daurade, pageot) contribuent à 38 % des densités, contre 8 % sur le module initial non modifié.





Figure 5 : Exemple de l’effet de l’architecture du récif sur son efficacité biologique (récif de Golfe-Juan, Alpes-Maritimes). ©️ Figures et photos : E. Charbonnel - DR


Au total, l’influence des récifs artificiels sur le milieu marin est largement positive, grâce à l’apport de substrats durs de type rocheux, permettant une augmentation des habitats et des niches écologiques disponibles, qui entraîne l’installation d’un peuplement de poissons riche et diversifié.


Mais un récif n’est pas un système clos, il fonctionne en inter-relation étroite avec les habitats naturels voisins (roches, herbiers, substrats sableux). De ce fait, les poissons peuvent l’utiliser simplement de manière temporaire, au cours de la journée, de la saison, de leur cycle de vie. Ainsi, les inventaires sur un cycle jour/nuit de 24 heures, réalisés sur les récifs du Parc marin de la Côte Bleue, montrent que seulement 20 % des espèces vivent en permanence sur un récif.




FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Si les récifs artificiels diversifient et développent la biodiversité marine, quelles conséquences ont-ils sur la pêche ? Sont-ils avantageux pour cette activité commerciale ?

Les pêches expérimentales


Pour évaluer les gains directs apportés aux pêcheries par les récifs artificiels, la voie la plus convaincante est de pratiquer des pêches expérimentales avec des professionnels selon un protocole strict, qui est répété dans tous les cas de figure. L’unité d’évaluation classique en halieutique (science des pêches) est le taux de capture par unité d’effort (CPUE). Ainsi, au Portugal, on a pu montrer que les CPUE étaient deux fois plus élevés (voir le graphique ci-dessous) sur les récifs que sur les zones sableuses (près de 6 kg/3h/750 m de filet, contre 3 kg sur les zones périphériques, bilan de 144 pêches). En Italie, les rendements peuvent être entre 1,5 à 4 fois plus élevés (2,5 à 3 kg/12h/500 m de filet, contre 0,6 à 2 kg sur les zones témoins (roche et sable), bilan de 119 pêches).


Les récifs artificiels : quels avantages pour la pêche ? ©️ DR


Les aménagements de récifs artificiels permettent une augmentation des rendements de pêche (en moyenne, d’un facteur 2) et également une diversification des captures, avec l’apparition d’espèces ayant une préférence pour les habitats rocheux.


Exemples de rendements de pêches expérimentales (taux de capture par unité d’effort CPUE) obtenus sur des récifs artificiels, des zones sableuses et rocheuses au Portugal (Névès-Santos, 1997) et en Italie. ©️ D’Anna et al., 1994

FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
L’élément clef de la réussite biologique d’un récif artificiel, c’est à la fois son architecture et son urbanisme. L’architecture des modules unitaires dépend des matériaux, de leur forme, leur hauteur, leur longueur et leur volume. L’assemblage des modules entre eux sur le fond fait appel à des notions d’urbanisme, nouvelle discipline dans le monde marin, certains urbanistes préférant les hameaux et les villages, d’autres les grandes cités !

Exemple de récif réalisé au parc marin de la Côte Bleue (17,5 km d’alignements de récifs sur 30 km de côte) avec des récifs de production et de protection. ©️ E. Charbonnel

[b]Réalisation d'un récif de protection


Pour les récifs de protection, le module devra être suffisamment lourd pour constituer un obstacle physique et ne pas être entraîné par le chalut. Il doit également offrir une surface portante suffisante avec le sédiment, pour ne pas être envasé. Il est également important que la forme du récif antichalut ne risque pas d'endommager les filets des pêcheurs artisanaux aux petits métiers, qui doivent pouvoir travailler dans les zones littorales aménagées. Les obstacles doivent occuper le maximum d’espace, afin d’être suffisamment dissuasifs auprès des chalutiers. Selon la topographie et la superficie du site à protéger, les récifs peuvent être répartis en lignes perpendiculaires à la côte, ou être disposés à intervalle régulier sur les fonds.


Exemple de disposition des récifs de protection antichalutage en Languedoc, en Agde (200 modules disposés à intervalle régulier).
©️ E. Charbonnel

Réalisation d'un récif de production


Pour les récifs de production, le récif doit copier le plus possible les habitats naturels. Comme la nature aime le désordre, un agencement complexe et hétérogène favorisera une multiplicité d’habitats et d’abris de tailles variées, donc l’installation d’un peuplement de poissons le plus diversifié possible. Dans l'état actuel des immersions et des caractéristiques des récifs utilisés en France, les modules cubiques en béton de faibles volumes (1 à 2 m3) composés de surfaces pleines et d’ouvertures sont les plus performants, s’ils sont disposés en ensemble chaotique de 50 à 100 m3 (voir l'image ci-dessous).


Disposition de modules cubiques de différents volumes en tas chaotiques. ©️ Figure et photo : E. Charbonnel - DR


Cette démarche « d’imiter la nature » est logique, pourtant, les aménageurs n’ont pas assez insisté sur ce point et beaucoup de récifs immergés sont trop ordonnés sur le fond et n’ont pas été conçus et construits de manière spécifique, mais en utilisant simplement des structures et des formes déjà existantes, fabriquées en série par les entreprises du BTP (Bâtiment et Travaux Publics). Ces formes trop géométriques n’existent pas dans la nature et c’est bien là le problème. Le choix du site et des récifs est donc déterminant : ils conditionneront les espèces cibles fréquentant le récif.
[/b]
Agencement des récifs : les critères à prendre en compte


L’efficacité d’un champ de récifs artificiels dépend de :

  • la nature et la forme des modules récifaux qui le composent ;
  • l’agencement des différents modules et récifs entre eux ;
  • la complexité des récifs en terme de zones d’ombres, caches, petites et grandes cavités, fournissant des habitats très variés à une faune la plus diversifiée possible


Schéma de principe d’aménagement du futur récif artificiel de Marseille. ©️

Les acquis sur le plan scientifique et technique montrent que la notion de discontinuité horizontale et verticale est importante dans l’agencement des récifs unitaires : discontinuité dans les hauteurs, dans les tailles, dans les volumes, dans la variété des types de récifs et leur forme, dans l’agencement et l’espacement horizontal entre récifs. L’efficacité biologique d’un récif passe donc par une certaine complexité dans les formes et les volumes qui le constituent.


Ces considérations, reposant sur les expériences antérieures de récifs en Méditerranée, ont conduit à définir plusieurs principes d’aménagement pour les récifs de Marseille. Avec 32.000 m3 de récifs pour un budget global de 6 millions d’euros, cet aménagement sur 210 ha dans la baie du Prado représente le plus vaste récif en Méditerranée. Immergés en 2008, les blocs de béton ont été balisés en janvier 2011, afin de les rendre visibles pour les usagers de ma mer.


Figures : E. Charbonnel/BRL-GIS Posidonie- DR


Objectifs des récifs artificiels de la baie du Prado


Les objectifs de ces aménagements en récifs sont : l'augmentation et la diversification des ressources marines afin de soutenir les activités de pêche professionnelle artisanale, la réhabilitation écologique et la valorisation biologique des fonds dégradés (l’herbier de Posidonie ayant subi par le passé une importante régression).


La moitié des récifs sont situés en zone ouverte à la pêche professionnelle et l’autre moitié des récifs sont installés en zone sanctuaire, interdite à la pêche, favorisant donc la croissance et la reproduction des poissons, par cette mise en réserve.


La conception des différents récifs, leur agencement entre eux sur le fond et la réalisation des divers dossiers techniques et administratifs ont duré trois ans et c’était une formidable expérience de concevoir de nouveaux types de récifs, en essayant de se mettre dans la « peau d’un poisson ». Une des originalités du projet consiste à agencer les différents récifs en les regroupant en « hameaux » et en « villages » (concept d’urbanisation diffuse). Ces « villages », de forme triangulaire (le triangle étant la forme géométrique qui occupe le meilleur compromis entre la surface et le volume), sont reliés entre eux par des « liaisons fonctionnelles», véritables corridors biologiques permettant aux poissons de passer d’un récif à l’autre (voir la dernière image de cette page).


Des amas d’enrochements (blocs de carrière de tailles variables) complèteront le dispositif, l’objectif étant de reconstituer des éboulis rocheux, habitat naturel particulièrement favorable aux gros poissons comme les mérous. Les habitats naturels périphériques ont également été pris en compte dans l’agencement des villages de récifs, ceci permet d’utiliser le «potentiel biologique» environnant, qui favorise une colonisation plus rapide des récifs et les échanges d’espèces.


Mise en place des récifs : un projet pluridisciplinaire


Les types de récifs à immerger doivent être définis à l’issue d’une large concertation associant des compétences variées, aussi bien dans les domaines de l’économie, de la construction et l’ingénierie maritime, de l’océanographie physique et l’écologie marine, le monde de la pêche. On peut considérer aujourd’hui qu’il existe autant de récifs artificiels différents qu’il y a de projets immersions.

Ce constat de disparité peut s’expliquer par le récent regain d’intérêt des collectivités pour les aménagements en récifs, et le fait que de nombreux concepteurs mettent au point de nouveaux récifs. La conception de récifs performants sur le plan écologique doit passer par une étape de réflexion importante associant les aménageurs, les pêcheurs et usagers de la zone à aménager, les scientifiques naturalistes, les concepteurs de modules et industriels du béton, les services de l’état en charge de la police et de la gestion du domaine public maritime ; de manière à pouvoir définir pour chaque projet les récifs les mieux adaptés au contexte local et aux objectifs visés.




Représentation des différents types de récifs en 3D. ©️ PIXXIM/Ville de Marseille - DR

En effet, trop de récifs existants sont inefficaces, du fait de leur mauvaise conception initiale, d’une mauvaise gestion des usages ou d’une méconnaissance de la part des aménageurs des contraintes socioéconomiques et environnementales locales. Selon les expériences du passé, basées sur des observations en plongée des récifs immergés sur le littoral français depuis vingt ans, un bon récif artificiel doit être le plus hétérogène possible, afin d’attirer et de sédentariser des peuplements de poissons et d’invertébrés les plus diversifiés possible.


La diversification des abris et des supports disponibles permet de satisfaire les besoins en termes d’habitats et de ressources trophiques à de nombreuses espèces, à divers stades de développement. Aussi, un bon récif doit combiner l’utilisation de plusieurs types de modules et d’éléments fins et de petite taille, ce qui permet la création d’un réseau cavitaire complexe et d’abris et habitats de type anfractueux. Il est important de rappeler que, malgré un ordre naturel, la nature aime bien le désordre ; aussi les récifs artificiels disposés en amas chaotiques sont les plus adaptés et les mieux colonisés par la faune et la flore.



FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
La plupart des récifs sont construits en béton armé (avantage de l’utilisation d’un matériau inerte, durable et modulable) dont les formes sont issues du BTP, ce qui fait aussi qu’on peut reprocher aux récifs actuellement utilisés leur manque d’esthétisme. Si l’efficacité biologique des modules cubiques en béton a été montrée, un des inconvénients majeurs de ce type de modules réside dans son coût très élevé. Des solutions alternatives doivent être recherchées, à travers l’utilisation d’autres matériaux et d’autres structures adaptés aux contraintes du milieu marin (résistance aux contraintes physiques et chimiques).

En effet, il ne s’agit en aucun cas d’utiliser les récifs artificiels comme prétexte pour se débarrasser de déchets encombrants et de matières polluantes tels que les pneus, les carcasses de voiture et d’autres déchets qui ont prouvé leur inefficacité et leur vulnérabilité à l’immersion.

Exemple à ne pas suivre : utilisation de pneumatiques usagés. ©️ E. Charbonnel - DR

Les matériaux de substitution


En revanche, l’utilisation de matériaux totalement inertes tels que les enrochements (blocs de carrière), les poteaux électriques en béton ou certaines structures métalliques comme les épaves de navires préalablement dépolluées (enlèvement des moteurs, réservoirs carburant et huile) ou dans certains cas les plateformes pétrolières peuvent constituer une solution alternative satisfaisante.



Exemple de matériaux pouvant être utilisés comme récifs artificiels : plateforme, épaves de navires, poteaux en béton. ©️ E. Charbonnel - DR

Les épaves sous-marines : des récifs idéaux


Un amoncellement de blocs rocheux de différentes tailles sur le fond permet la création d’habitats multiples et d’abris de tailles variées, dont l’architecture est similaire à celle des éboulis rocheux, qui sont certainement les zones naturelles les plus performantes sur le plan biologique. Les épaves sous-marines, fait bien connus des pêcheurs et des plongeurs, sont souvent très riches sur le plan halieutique.


Les épaves attirent les plongeurs du fait de leur richesse en espèces, de leur aspect esthétique et de leur intérêt paysager, historique et émotionnel. En créant de nouveaux sites de plongée et de pêche, les épaves permettront certainement une meilleure gestion pour un développement durable de ces activités, en désenclavant certains sites naturels trop fréquentés. Actuellement, des pays comme le Canada ou Cuba misent leur développement sur les activités touristiques et la plongée en particulier. De nombreuses épaves de navires réformés ont été coulées ces dernières années, créant de nouveaux sites de plongée.


En Australie, dans le Queensland, une trentaine d’épaves ont été immergées pour les plongeurs, qui peuvent explorer plusieurs épaves durant la même plongée. Ces pays ont une réelle volonté politique afin de favoriser les immersions d’épaves préalablement dépolluées comme nouveaux sites de plongée. Néanmoins, en France, l'immersion volontaire de bateaux est interdite (décret de 1982), pourtant quelques immersions ont eu lieu (Boulogne, île d’Yeu, Sables d’Olonne, Languedoc, Golfe-Juan) et surtout en Nouvelle-Calédonie et à la Réunion, épaves destinées aux plongeurssous-marins.


Exemples de récifs paysagers avec une recherche d’esthétisme : Reef ball. ©️ Reef Ball Foundation

Les récifs esthétiques


Le concept de récifs « paysagers », avec une recherche de l’esthétisme dans les formes se développe également. Ces récifs sont généralement spécialement conçus pour les plongeurs (voûtes, structures dressées). Par exemple, les «Reef Ball» (cloches percées de multiples trous) mis au point aux Etat-Unis, connaissent actuellement un essor spectaculaire dans le monde (300 sites et 50.000 unités immergées).


Exemples de récifs paysagers avec une recherche d’esthétisme : Khéops. ©️ Hydro M

En France, des modules expérimentaux «Khéops» ont été testés sur la Côte Bleue et donnent également de bons résultats biologiques. Un architecte marseillais a également mis au point plusieurs types de récifs paysagers («Hexapora» et «Fractal»).

Récif paysager Hexapora. ©️ E. Clamagirand/Architeuthis

Récif paysager Fractal. ©️ E. Clamagirand/Architeuthis

Exemples de récifs paysagers avec une recherche d’esthétisme : village en cloche. ©️ Figure : JY Jouvenel/P2A



FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
L’efficacité biologique d’un récif artificiel est directement liée à la diversité et la complexité des structures et des cavités qui le composent. C’est la raison pour laquelle les rendements des récifs peuvent être optimisés de manière simple, avec plusieurs types de matériaux de garnissage pouvant être ajoutés aux modules en béton.

Matériaux de garnissage pour augmenter le rendement des récifs



  • Les pochons d’huîtres, qui permettent d’augmenter les surfaces disponibles et fournissent des habitats à la petite faune vagile (crevettes), base des chaînes alimentaires ;


  • Les parpaings, briques, blocs à bancher. Ces éléments fins permettent d’augmenter le nombre des cavités disponibles et une variété des tailles des abris/habitats disponibles ;


  • Les pots à poulpes, accrochés aux modules en béton.

Les avantages des filières flottantes


À la manière des DCP (Dispositifs concentrateurs de poissons) sous les tropiques, les filières flottantes immergées créent une réelle attraction sur la faune, dans la mesure où ils se comportent comme de véritables algues naturelles. Les filières, en créant une discontinuité tridimensionnelle et un repère dans la masse d’eau, permettent d’attirer des espèces de pleine eau, comme les planctonophages et les pélagiques. De plus, les espèces bénéficient de la présence du récif artificiel situé sous les filières. Des essais ont eu lieu sur les récifs du Parc national de Port-Cros depuis 1997 et ont montré une bonne efficacité des filières. Ce type d’aménagement complémentaire est peu onéreux et permet de travailler sur toute la colonne d’eau.


Exemple de mise en place d’un réseau de filières de pleine eau sur un récif artificiel. Cas du Parc national de Port-Cros. ©️ Figure et photo E. Charbonnel - DR.



FUTURA SCIENCES

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
Les récifs artificiels représentent un des outils de gestion intégrée des ressources littorales les plus performants, après la mise en place d’aires marines protégées.

Cette gestion peut concerner à la fois :

  • [b]les usages
(partage de l'espace et de la ressource entre les métiers de la pêche (récifs antichalutage), récifs à vocation récréative, plongée (épaves et paysagement des fonds et pêche plaisancière) ;


  • l'aspect halieutique (augmentation attendue des ressources exploitables et soutien à la pêche professionnelle artisanale locale aux petits métiers) ;


  • l’aspect écologique (protection d'habitats et d'espèces vulnérables, outils d’aide aux aires marines protégées, restauration de milieux dégradés, diversification de substrats naturellement pauvres).

Après avoir fait figure de pionnière en la matière en Europe dès les années 1970, la France a ensuite marqué le pas. Mais aujourd’hui, les récifs artificiels sont à nouveau considérés à leur juste valeur. Le dynamisme actuel de certaines collectivités territoriales dans leur volonté d’utiliser les récifs artificiels comme support à la reconstitution, au développement et à l’exploitation mieux gérée et raisonnée des ressources littorales traduit bien cette volonté d’évolution : depuis 2002, de nombreux sites ont été aménagés en récifs, notamment en Languedoc-Roussillon. Il faut préciser que les pêcheurs professionnels sont souvent à l’origine de ces récifs. Le plus vaste récif en Méditerranée a été réalisé à Marseille, avec 32.000 m3 de matériaux pour un budget global de 6 millions d’euros. Cet aménagement vise la valorisation économique et écologique de la baie du Prado, avec une exploitation halieutique prévue et une réhabilitation écologique de fonds dégradés.


Au total, les récifs artificiels constituent une réponse possible aux nombreux problèmes concernant les ressources vivantes côtières, comme la surpêche (50 % des espèces sont considérées par la FAO comme pleinement exploitées et 25 % comme surexploitées) et la dégradation des écosystèmes et des habitats. Les récifs représentent un bon outil pour la gestion et le management des ressources et peuvent contribuer au maintien des pêcheries et des pêcheurs. Néanmoins, les récifs ne constituent qu’une facette d’une gestion globale et durable, qui doit prendre en compte toutes les phases de vie des espèces exploitées, en particulier les zones de frayères et de nurseries.


Au même titre que les aires marines protégées, les récifs artificiels sont des outils adaptés dans le contexte actuel de changement de la politique commune des pêches (PCP) en Europe, qui vise un développement durable de l’activité en respectant la ressource et les écosystèmes, en particulier l’intégrité des habitats, condition sine qua non au maintien des ressources. « Aménager la mer tout en la ménageant » pourrait constituer le challenge des prochaines années…
[/b]
Plongeur scientifique inventoriant les poissons sur un récif artificiel. ©️ Alexis Rosenfeld


FUTURA SCIENCES octobre 2007

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...